Juridique
01/11/2019
Social

Gens du voyage

Le législateur devra corriger une faille juridique dans la loi du 5 juillet 2000.

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dont l’enjeu portait sur la conformité avec la Constitution de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. 
Cette article 9 permet notamment au maire d’une commune ou au président d’un EPCI d’interdire le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage et, en cas de stationnement irrégulier, de solliciter du préfet leur évacuation forcée, alors même que son territoire ne comporte aucune aire d’accueil.
Rejet de la plupart des arguments soulevés
Le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions ne contreviennent ni à la liberté d’aller et venir, ni au principe de fraternité, et n’instituent pas une discrimination fondée sur une origine ethnique. Le délai de recours face à une mise en demeure de quitter les lieux a lui aussi été jugé conforme à la Constitution. Selon les Sages, le texte n’institue pas non plus un «bannissement administratif » (lié à la mise en demeure de quitter les lieux restant applicable sur l’ensemble du territoire couvert par l’interdiction de stationner pendant sept jours consécutifs) méconnaissant le droit d’égal accès aux soins, le principe d’égal accès à l’instruction, le droit de mener une vie familiale normale et l’objectif de sauvegarde de l’ordre public immatériel. En l’espèce, le Conseil constitutionnel a estimé que « les gens du voyage qui font l’objet d’une mise en demeure de quitter leur lieu de stationnement irrégulier bénéficient, sur ce territoire, d’aires et terrains d’accueil permettant un accès aux soins et à l’enseignement ».

Une inconstitutionnalité reconnue et un imbroglio juridique
Le paragraphe III de l’article 9 a, en revanche, été reconnu contraire à la Constitution. Il concerne le stationnement des gens du voyage sur un terrain dont ils sont propriétaires. Une erreur s’est glissée dans la rédaction de ce paragraphe énonçant sans ambiguïté que les maires membres d’un EPCI compétent en matière de gestion des aires d’accueil ne peuvent pas expulser des personnes stationnant sur un terrain qui leur appartient. Par défaut, à cause d’un oubli de forme, cette règle ne s’applique pas aux maires n’appartenant pas à un EPCI compétent. Ce cas de figure est rarissime, puisqu’il s’agit d’une compétence obligatoire des EPCI et que seules quatre communes ne sont pas membres d’un EPCI à fiscalité propre (les îles mono-communales). Mais cette faille emporte néanmoins l’inconstitutionnalité de l’ensemble du paragraphe. «En permettant qu’un propriétaire soit privé de la possibilité de stationner sur un terrain qu’il possède, ces dispositions méconnaissent le droit de propriété », confirment les Sages.

Commentaire : à cause d’une coquille juridique, le paragraphe III, qui vise avant tout à empêcher l’expulsion des gens du voyage de leur propre terrain, est donc déclaré contraire à la Constitution. Paradoxalement, son abrogation immédiate aurait eu pour effet de rendre possible, dans tous les EPCI compétents, une interdiction de stationnement et une procédure d’évacuation forcée des personnes stationnant sur des terrains leur appartenant ! 
Pour éviter cela, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er juillet 2020 la date de l’abrogation de cette disposition, ce qui laisse du temps au législateur de réécrire cette disposition. 

Référence : décision n° 2019-805 QPC du 27 septembre 2019.


 

Fabienne NEDEY
n°373 - novembre 2019