L’affaire du délégataire de service public Vert Marine qui, en septembre dernier, a fermé du jour au lendemain une trentaine de piscines à la suite de la flambée des prix de l’énergie, en toute illégalité et sans même avoir prévenu au préalable les collectivités délégantes (le délégataire a d’ailleurs dû rouvrir rapidement toutes ces piscines), a au moins eu pour effet collatéral de déclencher la sonnette d’alarme sur l’inflation astronomique des coûts de fonctionnement de ces équipements.
Des coûts très loin d’être couverts par les droits d’entrée des usagers… Alors que le tarif d’entrée est de l’ordre de 5 ou 6 € par nageur, le coût de fonctionnement réel rapporté à l’usager équivalait, avant la hausse des prix de l’énergie, en moyenne à 55 €. «
Les collectivités subventionnaient donc déjà à perte chaque entrée à hauteur d’une cinquantaine d’euros. Le prix de l’énergie ayant plus que doublé pour celles ayant dû renouveler leur contrat d’achat d’énergie, le coût de fonctionnement par usager a bondi à 75 ou 85 €. Demain, il n’est pas exclu qu’il frôle les 100 €. La situation est intenable pour de nombreuses collectivités qui ne sont plus en capacité de compenser le reste à charge », alerte David Lazarus, maire de Chambly (60), co-président de la commission sport et JOP 2024 de l’AMF (lire ci-dessous).
L’AMF défend depuis longtemps l’allègement des exigences relatives aux vidanges des piscines (une fois par an). Les injonctions sanitaires en la matière sont en effet obsolètes compte tenu de la performance des installations de pompage et filtrage, du fait que la qualité de l’eau fait l’objet d’un contrôle permanent et que les gestionnaires doivent respecter des contraintes de renouvellement constant (30 litres par jour et par baigneur minimum). Dans ces conditions, rejeter et renouveler complètement l’eau d’un bassin n’a plus aucun fondement sanitaire.
D’autant que cela a des conséquences environnementales et financières aberrantes : gâchis d’eau inacceptable en période de sécheresse, dépenses énergétiques démultipliées pour vider, remplir le bassin et le remettre en température, temps de fermeture de l’équipement… Sachant que le coût total d’une vidange nationale, pour les bassins intérieurs, a été chiffré, en 2014, entre 6,7 et 9,9 millions d'euros par le ministère des Sports.
La lutte de l’AMF, fondée sur des expertises techniques solides de l’Andiis (Association nationale des directeurs et intervenants d’installations et des services des sports) et de l’Andes (Association nationale des élus en charge du sport), a abouti, en 2016, à l’abaissement de la fréquence minimale de vidange des piscines à une fois par an (arrêté du 7 septembre 2016), au lieu de deux fois auparavant. Une évolution positive mais qui reste incomplète : il faut aller plus loin. L’AMF milite pour la suppression totale de la vidange annuelle obligatoire, qui n’existe pas dans la plupart des autres pays européens.
Les gestionnaires font déjà la chasse aux économies tous azimuts. Plus de sobriété implique «une optimisation multifactorielle », comme le relève Stéphane Chatenet, président de l’Andiss Bretagne, à travers «un pilotage fin des installations » pour optimiser la consommation heure par heure.
Le numérique peut apporter une importante valeur ajoutée : par exemple, en permettant l’adaptation anticipée de la régulation du chauffage selon l’ensoleillement des vitres. Toutefois, certaines économies se heurtent, encore une fois, à la rigidité des prescriptions sanitaires. Ainsi, les conditions imposées de température, de renouvellement d’air, de débits moteurs minimum des pompes pourraient être assouplies sans mise en jeu des impératifs de sécurité sanitaire.
Un autre gisement d’économies important réside dans l’isolation des tuyaux hydrauliques de filtration des bassins. Ainsi que dans le recours aux énergies renouvelables : panneaux solaires sur les toits ou le parking, réutilisation de la chaleur des eaux grises (eaux usées), géothermie…
Porter les investissements nécessaires est cependant très difficile en pleine crise. À fortiori, à l’heure du challenge supplémentaire que représente, cet hiver, pour les piscines comme pour les autres équipements publics, la nécessité d’anticiper le risque de coupure d’électricité en cas de délestage.
La réglementation applicable aux eaux de piscine a évolué au 1er janvier 2022 à la suite d’un décret du 26 mai 2021 relatif à la sécurité sanitaire des eaux de piscine et de quatre arrêtés d’application, puis d’un décret complémentaire du 27 septembre 2021.
Ces dispositions ont modifié le champ d’application de la réglementation, revu la fréquence des prélèvements et analyses, défini de nouveaux paramètres de qualité des eaux et un certain nombre de procédures et protocoles. Notamment, a été modifiée la liste des paramètres à rechercher tant en ce qui concerne le contrôle sanitaire réalisé par l’agence régionale de santé (ARS) que la surveillance réalisée par l’exploitant.
Ces nouveautés réglementaires ont obligé les gestionnaires à adapter leurs pratiques et à monter en compétence. Des webinaires ont été organisés en 2022, par le pôle eau Grand Est Hydreos avec l’ARS Grand Est sur les enjeux, méthodes et bonnes pratiques, avec des retours d’expérience de collectivités. Le CNFPT a adapté ses formations dédiées aux agents territoriaux.
L’AMF comme l’Andes font le constat qu’il faudrait s’inspirer des modèles allemands et suisses, qui appliquent une obligation de résultat et non plus de moyens sur la qualité des eaux, pour adapter l’entretien des piscines au niveau de qualité requis.
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