01/05/2019
Europe

Les élus locaux français et britanniques veulent renforcer leur partenariat

Au-delà des inquiétudes face aux conséquences économiques du Brexit, les maires souhaitent notamment dynamiser les centaines de jumelages existants.

Plus d'une centaine de maires se sont retrouvés au Sommet franco-britannique, à Londres, le 7 mars dernier
La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne «aura des conséquences qu’il ne faut pas sous-estimer, notamment dans les régions proches du Royaume-Uni et pour le secteur de la pêche », a averti Michel Barnier, négociateur de l’Union européenne pour le Brexit (1), lors du Sommet européen des régions et villes, les 14-15 mars, à Bucarest (2). Face aux risques et incertitudes, « l’Union européenne fera preuve de solidarité à l’égard de ces régions et secteurs, y compris financièrement », a-t-il promis. Quelques jours plus tard, la Commission européenne confirmait qu’une aide sera débloquée pour les pêcheurs français et ceux de sept autres États européens, forcés de quitter les eaux britanniques après le « divorce ». Quand les conditions de sortie seront clarifiées, elle devra ensuite négocier, avant juillet 2020, un accord commercial sur la pêche avec le Royaume-Uni.

L’apport européen méconnu 
D’autres secteurs seront affectés par la reprise des contrôles aux frontières. Dans l’Aude par exemple, «les vignerons de l’AOP se posent des questions sur les limitations douanières, les taxes, les contrôles phytosanitaires », explique Philippe Andrieu, maire de Cépie (11). « Nous avons notamment un vigneron britannique installé sur la commune qui risque gros car 90 % de son marché se réalise au Royaume-Uni », note-t-il. En Irlande, Michael ­Murphy, conseiller à Tipperary, s’inquiète, lui, pour tout le secteur agro-alimentaire. Dans sa commune, « la plus grande entreprise régionale réalise 60 % de ses exportations vers le Royaume-Uni avec des produits qui doivent être dans les trois jours sur les étals de supermarchés ». Ce qui sera difficile avec un rétablissement des contrôles douaniers. 
« Je ne suis pas certain que les gens aient réalisé l’impact que la fermeture des frontières va avoir sur leurs emplois », commente-t-il.
Entre inquiétude et consternation devant le chaos politique britannique, le sentiment d’impuissance des élus était perceptible aussi bien lors du Sommet des maires franco-britanniques, organisé le 7 mars à Londres (3), qu’au Sommet de Bucarest une semaine plus tard. L’impact de l’Europe sur la vie quotidienne des gens « n’est pas suffisamment visible dans nos communautés, regrette Andrew Cooper, conseiller municipal à ­Kirklees, dans le Yorkshire (Angleterre). Des panneaux solaires ont été installés sur les logements sociaux avec des financements européens, ce qui a permis de réduire la facture pour l’eau ou l’électricité pour des gens à très faibles revenus. Mais ils l’ignorent », illustre-t-il. L’information sur l’apport de l’Europe aurait pu faire la différence, confirme Albert Bore, membre du conseil de Birmingham et président de la délégation britannique au Comité des régions. Lors du référendum, les « pour » et « contre » la sortie de l’Union européenne étaient quasiment à égalité à Birmingham. En revanche, dans sa circonscription directe, « 70 % ont voté pour rester, sans doute parce que les pro-européens ont fait du porte-à-porte et raconté ce que l’Europe a fait dans la région, relève Albert Bore. Dans les années 1970 et 1980, après les fermetures d’usines, la ville avait perdu 200 000 emplois. C’est l’Europe qui a permis la renaissance de la région », rappelle-t-il, tout en souhaitant que les affres britanniques favoriseront cette prise de conscience. « Le Brexit est une sonnette d’alarme pour ceux qui croient en l’Union européenne et pour ceux qui croient pouvoir vivre sans elle », a déclaré le président du Comité des régions, Karl-Heinz Lambertz, lors du Sommet de Bucarest. 

« Ne nous oubliez pas »
En attendant, les maires britanniques avaient un message à l’attention de leurs homologues, à Bucarest et à Londres : « surtout ne nous oubliez pas ». À Londres, « les élus locaux étaient contents de se rencontrer pour renforcer les liens et échanger sur les perspectives de futurs partenariats », raconte Agnès Le Brun, maire de Morlaix (29) et vice-présidente de l’AMF. « L’état d’esprit était davantage de se projeter dans l’avenir que de pleurer sur le lait versé. » Des jalons ont été posés pour faire évoluer les jumelages vers des partenariats plus actifs. Paradoxalement, relève Agnès Le Brun, « il y a comme un sentiment de liberté : puisque nous sommes seuls pour recréer ces liens, nous pouvons faire davantage ce que nous voulons, avec plus d’idées et de créativité ». Malgré les aspects négatifs, un « champ d’opportunité s’ouvre donc aussi avec le Brexit », espère-t-elle.     


(1) Après avoir été annoncé pour le 29 mars, puis pour le 12 avril, le Brexit devrait avoir lieu le 31 octobre 2019. (2) Lire Maires de France, n° 364, janvier 2019, pp. 20-21. (3) Sommet des maires franco-britanniques organisé à l’invitation du gouvernement britannique et auquel l’AMF était associée en lien avec la Délégation à ­l’action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

Mesures d’urgence
La France a confirmé que les 900 conseillers municipaux de nationalité britannique élus en 2014 conserveront leur mandat municipal jusqu’aux élections de 2020. Mais ils ne pourront plus se présenter après 2020. Les agents britanniques en poste dans la fonction publique conserveront leur statut après le Brexit (une ordonnance du 6 février 2019 l’a confirmé). Les citoyens britanniques bénéficieront d’un an après le Brexit pour effectuer les démarches permettant d’obtenir un permis de séjour en France. Quelque 2 000 personnes ont été recrutées par les États européens et affectées aux services des douanes et de la sécurité, dont 700 en France. Plus de 11 000 véhicules circulant entre Douvres et Calais devront être contrôlés chaque jour. La Commission européenne a, de plus, présenté un nouveau tracé du corridor maritime mer du Nord-Méditerranée pour y inclure de nouvelles liaisons qui pourront bénéficier d’aides européennes.
Nathalie STEIWER
n°368 - Mai 2019