01/05/2019
Entretien

"Préserver l'égal accès aux services publics et aux droits"

Jacques Toubon, Défenseur des droits, revient sur les conclusions de son rapport annuel d'activité et formule des recommandations aux élus.

Dstrong>Dans votre rapport, vous soulignez la hausse des saisines du Défenseur sur les difficultés d’accès aux services publics. Comment l’expliquez-vous ? 
Pour la quatrième année consécutive, en effet, la hausse des saisines du Défenseur traduit, d’une part, le fait que la qualité du service public est critiquée ou recule encore. Et, d’autre part, que les délégués sont davantage identifiés par les usagers. Nous constatons que l’accès aux droits par l’accès aux services publics n’est plus automatique. Le degré de déshumanisation est tel que certains usagers renoncent à faire valoir leur droit et optent pour le non-recours faute de savoir à qui s’adresser. Les mouvements sociaux actuels en sont, en quelque sorte, la démonstration : il n’y a plus d’indulgence de la part de nos concitoyens pour la négligence, l’indifférence. Il faut donc continuer à lutter, aux côtés des maires, pour «casser la résignation des usagers » face au délitement des services publics. 

Vous considérez que les maisons de services au public sont une réponse « généraliste mais insuffisante » aux besoins de proximité. Pourquoi ?
Les maisons de services au public (MSAP) sont une excellente idée pour lutter contre cette «fatalité » du non-recours des usagers (1). 
Or, beaucoup d’entre elles ne sont encore que des guichets. Il faut faire de ces «maisons » des vrais lieux de réponse aux usagers et garantir la présence d’agents de Pôle Emploi, des CAF, etc. Les pouvoirs publics doivent être bien plus exigeants sur la qualité de service de ces structures. Le gouvernement semble vouloir perfectionner le dispositif d’accès aux services publics, en travaillant en fonction des besoins des usagers (y compris des plus fragiles). Je reste très attentif sur ce sujet.

La situation en matière d’accès aux services publics dans les territoires d’Outre-mer est encore préoccupante. À quoi cela tient-il ?  
Les 2 millions d’habitants concernés sont en situation d’inégalité évidente. Il n’est pas admissible que les services publics en Outre-mer soient dans une situation délibérément et consciemment défavorisée par rapport à la métropole. Sans même parler de l’accès au numérique. Une des questions récurrentes est celle de l’accès à l’eau. Les relations des entreprises concessionnaires avec les communes ainsi qu’avec les usagers sont souvent tendues en ce qui concerne la qualité du service rendu et son coût, plus cher. Je ne partage pas du tout l’idée sous-jacente qui consiste à dire que lorsque l’on est d’Outre-mer, cela peut être insuffisant, imparfait et que ce serait normal. Je le rappelle : les droits sont les mêmes pour tous. 

Votre rapport pointe le nombre de saisines impliquant les communes en matière de non-respect des droits de l’enfant. Y voyez-vous un manque d’informations ? 
La plupart des communes suivent nos recommandations, mais certaines «s’obstinent » à ne pas respecter les règles en matière d’obligation scolaire, de prise en charge non discriminatoire à la cantine, etc. Nous avons beaucoup travaillé avec l’AMF pour mieux diffuser de l’information. Si la situation évolue positivement en 2018, il reste encore du chemin à parcourir, notamment sur la scolarisation des enfants handicapés. Nous avons un délégué référent « handicap » présent dans chaque département, qui peut apporter des conseils aux maires. 


• Le rapport 2018 et le rapport Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics : www.defenseurdesdroits.fr/fr (rubrique Publications).
• Décisions du Défenseur des droits en matière de protection de l’enfance : www.amf.asso.fr (réf. CW25381 (cantine), CW25209 et CW25067 (obligation de scolarisation).

Saisir le Défenseur des droits
Le Défenseur des droits peut être saisi directement ou par l’intermédiaire de l’un de ses 501 délégués bénévoles, présents dans près de 800 points d’accueil répartis en métropole et en Outre-mer. Trois modalités de saisine sont possibles : 
• par téléphone : 09 69 39 00 00 ; 
• par courrier (sans affranchissement) : Défenseur des droits – Libre réponse 71120, 75342 Paris cedex 07 ;  
• par un formulaire : https://formulaire.defenseurdes droits.fr/code/afficher.php?ETAPE=accueil_2016.
Consulter l’annuaire des délégués : www.defenseurdesdroits.fr/fr/saisir/delegues
Florence MASSON
n°368 - Mai 2019