Interco et territoires
01/06/2020
Environnement Intercommunalité

La transition écologique renouvelle la contractualisation à l'échelon local

L'État a lancé, en 2018, les contrats de transition écologique. Il accompagne les collectivités tout en leur laissant la liberté de choisir leurs priorités d'action.

Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État, a signé, en 2019, le CTE du Pays vendômois en présence de sa présidente, Isabelle Maincion.
Les contrats de transition écologique (CTE) ont été lancés en 2018 (lire ci-dessous). Ils sont passés entre l’État et les collectivités territoriales « sur la base des spécificités locales », selon le ministère de la Transition écologique, et de projets émanant des territoires, générateurs d’activités économiques et d’opportunités sociales. Chaque territoire s’appuiera sur son contrat pour développer ses axes stratégiques de transition écologique, en fonction de ses spécificités : énergies renouvelables, efficacité énergétique, mobilités, ruralité et agriculture, économie circulaire, construction et urbanisme, biodiversité… 

Remobiliser les acteurs

Dix-neuf territoires-pilotes ont expérimenté la première phase, avec 400 actions et un volume financier de 661 ME. Car, s’il n’y a pas de budget dédié, l’un des objectifs des CTE est de fournir aux collectivités l’ingénierie nécessaire pour mobiliser au mieux les crédits de droit commun. En juillet 2019, 61 nouveaux territoires se sont engagés. Ces CTE représentent 700 actions et 822 ME. Le 7 février dernier, lors d’une rencontre à Paris entre les acteurs, opérateurs et partenaires des CTE, 4 nouveaux CTE ont été signés par Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire. 
« Quand j’ai appris que le CTE n’était pas accompagné d’aides financières, je me suis dit que c’était un projet à penser globalement. » Lorsque sa députée lui en parle, début 2019, Benoît Rolland, vice-président de Centre Morbihan Communauté (43 000 hab., 19 communes), en charge de l’eau, de l’énergie et de l’environnement et maire de Moustoir-Ac, ne voyait dans les CTE qu’un dispositif de plus. « Un nouveau ministre, un nouveau dispositif, une impression de “green washing” », se souvient-il. Mais l’absence de subventions dédiées le fait changer d’avis. « La communauté résultait juste de la fusion de trois autres communautés, nous n’avions pas de projet de territoire. Le projet était peut-être là », se dit-il alors. Même son de cloche du côté d’Isabelle Maincion, alors maire de La Ville-aux-Clercs (41) et présidente du Pays vendômois (70 000 hab., 105 communes, 3 communautés de communes) : « Le fait qu’il n’y ait pas d’argent dédié enlève un carcan. Nous sommes Territoires à énergie positive, avec deux ans pour consommer les crédits. Des collègues ont perdu de l’argent car ils ont été obligés de différer leur projet. » 
Impossible en effet de se lancer dans un CTE si le territoire n’est pas porteur d’une ambition. Le Pays vendômois, qui se présente comme « une campagne habitée », disposait ainsi d’une grande expérience de la contractualisation : contrats de solidarité territoriale avec la région, programmes Leader,  Agenda 21, plan climat… « Le CTE est une façon de faire le point à un instant T sur des projets allant dans le sens de la transition écologique et de remobiliser les acteurs du territoire », explique Isabelle Maincion. « C’est une marque qui englobe les projets », confirme Benoît Rolland. 

80 territoires sont engagés dans un CTE, mobilisant environ 180 EPCI qui mènent  plus de 1 000 actions et 1,5 milliard d’euros d’investissement.

Les CTE sont conclus à l’échelle d’un ou plusieurs EPCI. Celui de Benoît Rolland rassemble Pontivy communauté (25 communes, 47 500 hab.) et Centre Morbihan communauté. « Les sujets sont définis entre les deux communautés puis chacune conduit sa barque sur le même cours d’eau. » Il faut cependant convaincre les rameurs… « En bureau communautaire, la première fois, j’ai eu un petit moment de solitude, se souvient Benoît Rolland. Je me suis rattaché à ce que nous voulions porter comme projet, par exemple aller plus loin au niveau énergétique avec notre SEM de méthanisation. » Chaque CTE doit définir de grands axes. Celui de Pontivy-Centre Morbihan s’articule autour de deux volets : énergie et alimentation, avec une logique de relocalisation de la production et de la consommation. « Il y a un fossé entre la production, la transformation et la consommation. La réglementation ne facilite pas le rapprochement. Une bonne fée réglementaire serait bienvenue ! », explique le maire. 
Dans le domaine de l’énergie, du photovoltaïque, beaucoup est déjà réalisé, notamment sur la méthanisation avec la Sem Liger. « Mais nous avons encore à faire sur la maîtrise de la consommation. » L’une des actions phares du CTE est la création d’une station de rebours par la société GRTgaz permettant de récupérer le surplus de production des unités de méthanisation du territoire de Pontivy communauté pour l’injecter dans le réseau de transport vers les territoires voisins. 
Le Pays vendômois souhaite modifier des pratiques agricoles, encourager les circuits de proximité et promouvoir l’écologie industrielle.  
« Nous ignorions que l’entreprise Minier, sur notre territoire, faisait des recherches sur un béton moins carboné », reconnaît Isabelle ­Maincion. Avec l’écologie industrielle, « les déchets des uns deviennent les ressources des autres ». 
Grâce aux réunions abordant ce thème, le cercle des entreprises du Vendômois décide de prendre une stagiaire pour travailler sur des projets dans ce domaine. Industrie et formation ont aussi partie liée : le projet de création d’une station de gaz naturel pour véhicules entraîne celle d’un certificat de qualification d’entretien pour véhicules électriques et hybrides au lycée professionnel de Vendôme. 

CTE, mode d’emploi
Le contrat de transition écologique (CTE), lancé le 4 février 2018, a pour ambition d’être un contrat «chapeau », qui décline tous les thèmes de la transition écologique et fait le lien entre les contrats existants déjà sur un territoire. Porté par les acteurs du territoire, publics et privés, il doit montrer que l’écologie est un moteur de l’économie. Sans budget spécifique, il met en œuvre les financements de droit commun. Dans ce but, l’État apporte ingénierie financière et aide au montage des dossiers. Outre les entreprises privées qui sont aussi des confinanceurs, les partenaires publics principaux sont l’Ademe, la Banque des territoires, le Cerema, les DDT et les Dreal. Un CTE comprend un programme d’actions opérationnelles sur trois ou quatre ans, avec des engagements précis et des objectifs de résultat, qui font l’objet d’un suivi et d’une évaluation.

 

Nouvelles relations avec l’administration

Si les collectivités ont répondu à l’appel à candidatures du CTE, c’est dans l’espoir d’une relation nouvelle avec les services de l’État. En effet, les CTE ont été lancés notamment au bénéfice des territoires dépourvus d’ingénierie, des petits EPCI situés loin des métropoles. Qu’en est-il concrètement ? Le rôle des sous-préfets semble central dans le dispositif. Benoît Rolland souligne « la bienveillance du sous-préfet » et espère que ses services suivront. Isabelle Maincion se félicite de travailler avec « une sous-préfète dynamique ». 
Le CTE n’en ajoute-t-il pas à un quotidien déjà très chargé ? Non, toutes les parties prenantes étant présentes, « une réunion du CTE en supprime quatre autres », explique Isabelle Maincion soulignant l’intérêt de travailler « en mode projet ». « C’est bien plus intéressant pour les services de l’État que d’être simplement instructeurs. » Benoît Rolland insiste sur l’aide apportée par l’administration pour structurer idées et projets : « J’attends des services qu’ils nous aident à dénouer des situations compliquées. » 
Autre atout : « Quand nos actions sont inscrites dans le contrat, tous les partenaires sont présents dès le début, y compris les services de l’État, explique Isabelle Maincion. Cela évacue l’étape où l’on envoie les dossiers, on les explique. On aplanit ensemble les difficultés, on les contourne. Par exemple, la direction départementale des territoires est intervenue par rapport à un PLU bloquant pour un projet. » Et ajoute-t-elle, lorsqu’un projet est monté et présenté conjointement par les élus et l’administration de l’État, « il prend une autre allure ! » La preuve : « L’Ademe arrête de dire non » !

Contacts

www.ecologique-solidaire.gouv.fr
• Compte-rendu du débat sur la transition écologique du 102e Congrès de l’AMF : https://bit.ly/3g1kkNO
• Guide «Pour une meilleure appropriation de l’Agenda 2030 par les collectivités territoriales », Comité 21. 
www.comite21.org 
• Guide «Des territoires vivants : 9 clés face à l’urgence écologique », WWF. www.wwf.fr
 

Martine KIS
n°380 - Juin 2020