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08/07/2025
Administration générale Décentralisation

Administration territoriale de l'État : François Bayrou redonne le pouvoir au préfet

À Chartres, le 8 juillet, le Premier ministre a lancé la réorganisation territoriale de l'État. Le préfet coordonnera au niveau local l'ensemble des services et des opérateurs de l'État. Un décret devrait être présenté en ce sens en Conseil des ministres la dernière semaine de juillet.

Conférence de presse du gouvernement Bayrou à Chartres, le 8 juillet, pour présenter la "réforme de l'État local".
Objectif : améliorer l’efficacité, la lisibilité, la cohérence de l’action publique de l’État au niveau local. «Cette réforme est essentielle. [L’action publique] était devenue illisible pour les citoyens, et même pour les élus. Elle était trop inefficace et donc insatisfaisante. Selon le principe d’unicité, le préfet sera responsable de la coordination de tous ceux qui agissent [localement] au nom de l’État. Le préfet de département aura le pouvoir d’intervenir dans tous les domaines qui dépendent de l’État. Toute décision lui sera soumise. Il aura le pouvoir de la faire réexaminer si besoin », a indiqué le Premier ministre à l’issue d’une réunion avec les préfets, à Chartres, «chez Jean Moulin, mort torturé le 8 juillet 1943, il y a exactement 82 ans jour pour jour ».

 Un État plus efficace et une décentralisation confortée

La convocation de l’illustre préfet, symbole de la Résistance, n’est pas anodine. La réorganisation territoriale de l’État replace le préfet de département au centre de «l’État local » et lui redonne un pouvoir qui s’était largement éparpillé ces dernières années, affaiblissant de fait la décision publique. Cette réorganisation donne également «une dimension et une légitimité nouvelles à la décentralisation, a affirmé le Premier ministre. Les élus auront un seul interlocuteur qui leur permettra de se faire entendre. » En résumé, un État plus efficace et une décentralisation confortée.

« C’est très important pour les finances publiques car cette réforme est un moyen de rendre les dépenses plus efficaces et plus cohérentes. Nous aurons moins d’argent public. Nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer cette menace sur notre pays. Ce qui se passe en ce moment sur les marchés financiers est impressionnant. La réorganisation de l’État en liaison avec les collectivités territoriales et les citoyens doit rendre plus efficace l’utilisation de l’argent public. Elle permettra de coordonner tous les acteurs publics », a aussi justifié François Bayrou.

Avis préalable, pouvoir de dérogation élargi

Concrètement, sur le terrain, le préfet de département donnera un avis préalable à l’implantation locale des services ouverts au public : carte scolaire, réseau des finances publiques, offre de soins. Il verra son pouvoir de dérogation élargi «à l’ensemble [de son] champ de compétences, s’agissant des décisions individuelles », est-il écrit dans le dossier de presse sur la réforme. Les appels à projets descendent au niveau local : «les campagnes ne seront plus pilotées ni mises en œuvre depuis les administrations centrales des ministères », explique Matignon. Les subventions publiques de l’État deviennent «fongibles » sous l’autorité du préfet «pour faciliter le financement de projets d’intérêt local majeur ».

Le préfet aura autorité sur les autres services de l’État et sur ses opérateurs en obtenant des «prérogatives managériales renforcées ». En clair, il sera «associé à la nomination de l’ensemble des chefs de service de l’État et des responsables des établissements publics de l’État agissant sur son territoire ». Sauf pour les nominations de recteurs et de directeurs généraux (DG) des agences régionales de santé (ARS), ceux-ci étant directement choisis par le président de la République et nommés en Conseil des ministres ; le préfet n’interviendra pas non plus dans la nomination des responsables des établissements scolaires, hospitaliers et médico-sociaux. En revanche, il interviendra dans l’évaluation annuelle, la fixation des objectifs et de la part variable de la rémunération de ces responsables locaux, y compris des recteurs et  des DG d’ARS.

Délégué territorial des opérateurs de l’État

Le préfet devient systématiquement le délégué territorial des opérateurs de l’État sur le terrain local (c'était déjà le cas pour l'ANCT, l'ANRU et l'ANAH). Il pourra ainsi leur donner des directives, leur demander de réexaminer (avec effet suspensif) des projets de décisions «ayant un impact local significatif ». Il animera l’action territoriale de l’État en qualité de «chef d’orchestre ». Il pourra également agir en matière de ressources humaines sur les recrutements et mobilités des agents de l’État au niveau local pour «mieux adapter la configuration de ses équipes aux priorités d’action territoriale ».

Cette réforme doit être mise en œuvre grâce à la modification du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets. Ce nouveau décret doit être présenté en Conseil des ministres «la dernière semaine de juillet », a annoncé François Bayrou. D’autres modifications réglementaires suivront, notamment un décret qui listera les opérateurs de l’État (dont l’organisation ne dépend pas de la loi) qui passeront sous l’autorité territoriale du préfet. Une loi sera nécessaire pour les opérateurs de l’État dont l’organisation relève du niveau législatif. Ce sera aussi le cas pour élargir les pouvoirs de dérogation du préfet. Des mesures pourraient être portées par la proposition de loi du sénateur du Cher Rémy Pointereau relative au même sujet, déjà votée en première lecture au Sénat en juin dernier. Une circulaire du Premier ministre résumera ensuite toute la réforme, «une fois que tous les textes auront été publiés », selon une source gouvernementale. 


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Par Bénédicte Rallu
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