Europe
01/05/2021
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Simplifier les fonds européens : une question « vitale » pour les collectivités

À l'heure où se met en place la nouvelle programmation des fonds structurels, les communes et leurs groupements soulignent l'urgence d'une réforme. Par Isabelle Smets

Selon Thibaut Guignard, président de Leader France, des programmes comme Erasmus+ ont une gestion administrative moins complexe que celles de Leader.
« Rien n’est plus compliqué que de simplifier. » C’est une phrase que l’on entend souvent à Bruxelles, à chaque fois que se met en place une nouvelle génération de programmes des fonds structurels européens. Est-ce pour cela que les difficultés se répètent de programmation en programmation ? L’enquête de Maires de France (n° 389, avril 2021, pp. 40-43), qui décrit le parcours du combattant de trois maires face à la machinerie des fonds européens, témoigne de cette complexité. « L’AMF et l’ensemble des élus locaux le réclament depuis de nombreuses années : la simplification des fonds européens est une condition vitale pour la conduite et l’animation des projets portés par les communes et leurs groupements », confirme Pauline Tivelet, chargée de mission Europe et international. Au moment où se met en place la programmation 2021-2027, l’AMF pose la question de l’utilité des tonnes de pièces justificatives demandées tout au long de la vie d’un projet, réclame plus de clarté sur les dépenses éligibles et enjoint les services instructeurs à mieux communiquer. « L’accès à l’information et le montage de dossier est trop complexe pour les petites communes, et l’on sait que cela aboutit à des renoncements », souligne Pauline Tivelet. « Parfois c’est Ubu », confirme Thibaut Guignard, maire de Plœuc-l’Hermitage (22) et président de Leader France, le programme européen de financement du développement rural. Une fois, c’est la nécessité de repasser un dossier en comité de programmation parce qu’une nouvelle version du logiciel de suivi du programme (Osiris) provoque un écart de 2 centimes par rapport à la première version.
 

Préserver les porteurs

Une autre fois, c’est le refus d’un document car il est en noir et blanc « et fait plus penser à une photocopie qu’à un original ». Ou alors c’est une autorité de gestion qui demande de disposer de la délibération officialisant l’élection d’un maire, pour prouver que la séance du conseil municipal sollicitant la subvention était bien présidée par le maire en exercice… Des difficultés « au quotidien » qui se traduisent par des allers-retours incessants entre autorités de gestion, services instructeurs, animateurs et porteurs de projet, qui finissent par excéder ces derniers. «Des difficultés qui pourraient être réglées si les autorités de gestion sifflaient la fin de la récréation », affirme Thibaut Guignard. Au-delà, c’est le dispositif-même du programme, pourtant conçu pour les petites collectivités, qui pose question. « On a des autorités de gestion qui se prémunissent des contrôles de l’Agence de services et de paiement qui, elle, se prémunit des contrôles de la Cour des comptes européenne, et donc tout le monde ouvre le parapluie et ajoute des couches de complexité. » Thibaut Guignard cite pourtant d’autres programmes européens, tel Erasmus+, qui fonctionnent avec une gestion administrative moins complexe tout en proposant des subventions plus élevées que celles de Leader. « Et avec un acompte de 80 % quand le dossier est accepté, alors qu’avec Leader, cela va mettre deux ans à être monté et instruit, et la subvention ne sera payée que lorsque les dépenses auront été vérifiées, contrôlées, re-contrôlées. » S’il ne veut pas que les critiques «effacent les belles réussites de Leader », Thibaut Guignard n’en demande pas moins une remise à plat : « tout le monde est d’accord sur le fait qu’il faut simplifier, sauf qu’à aucun moment on est capable de nous dire d’où vient le problème ». Il plaide aussi pour que Bruxelles intègre un dispositif spécifique à l’adresse des petits projets, « par exemple sous le seuil de 15 000 € mais ce peut être plus ». Même discours du côté des départements. « L’effort de simplification est un objectif que l’on doit tous avoir en tête, collectivement. On a tous à y gagner », opine Augustin Rossi, conseiller à l’Assemblée des départements de France (AdF). Il pointe notamment ces « divergences d’interprétation » sur des règles de programmation essentielles, comme le mode de calcul des dépenses, qui « génèrent un grand sentiment d’incertitude ». «La manière dont l’information circule entre les différents acteurs doit être améliorée », insiste-t-il. Soulignant la difficulté spécifique pour les petits porteurs de projets «auxquels cette complexité fait courir des risques de gestion ». En 2019, l’État avait annoncé le lancement d’une « mission de simplification » (lire ci-dessous). En février 2020, il s’était engagé, avec Régions de France, à mener une réflexion qui devait aboutir à « proposer un cadre cohérent pour allier souplesse et sécurité juridique » et à le « défendre conjointement auprès des instances européennes ». Les élus attendent encore ce cadre.  

 

Un rapport introuvable...
C’était en novembre 2019, au Congrès des maires. Amélie de Montchalin, alors secrétaire d’État aux Affaires européennes, annonçait une vaste «mission de simplification » à l’adresse des élus et porteurs de projets, qui prendrait la forme d’une chasse aux démarches inutiles, tracasseries administratives et autres sur-réglementations franco-françaises. Une démarche alors ­chaleureusement applaudie par les élus locaux, enfin entendus. On en attend ­pourtant toujours les conclusions officielles. L’AMF a bien été associée à l’exercice – elle a notamment été auditionnée, de même que les départements – mais n’a jamais reçu le rapport final. De bonne source, on affirme que ce rapport existe bel et bien, quelque part, dans les services de Matignon. Et qu’il met le doigt là où ça fait mal. Mais qu’il n’a toujours pas été transmis au Premier ministre.
n°390 - MAI 2021