Interco et territoires
01/09/2019
Développement économique

Les territoires d'industrie poursuivent leur déploiement

Après le lancement du dispositif par le gouvernement en 2018, les 141 territoires concernés commencent à contractualiser avec les acteurs économiques.

Labellisé « territoire d'industrie », le Roannais entend soutenir la formation, notamment sur les métiers industriels.
A l'occasion du Conseil national de l'industrie tenu du 22 au 25 novembre 2018 sous la coupole du Grand Palais à Paris, le Premier ministre, Édouard Philippe, lançait l'ambitieux dispositif des «Territoires d'industrie » à la veille d'une crise sociale sans précédent. Objectif affiché : redynamiser le tissu industriel hexagonal, soutenir l'emploi local, renforcer la compétitivité internationale et promouvoir l'innovation.
Concrètement, l'État a décidé d'investir 1,36 milliard d'euros en faveur de 141 territoires, choisis en raison de leur caractère «à fort enjeu industriel ». Ce budget est issu de programmes existants en matière de formation, avec notamment le plan d'investissement dans les compétences, d'innovation, d'infrastructures numériques... «Le dispositif doit ainsi permettre de relancer, accélérer ou débloquer des projets qui seraient dans les cartons, à partir de crédits préexistants », analyse un expert. 

Le secteur industriel ne pèse plus que 12,5 % de l'emploi en France.

Lors de la première assemblée générale de ces territoires d'industrie, organisée à Lyon, les 5 et 6 mars derniers, l'État a signé avec la Banque des territoires, Business France, Bpifrance et Pôle Emploi quatre conventions de mobilisation au service de ce dispositif mises à disposition des régions et des Territoires d'industrie afin de les aider à construire leurs projets. «Ce nouveau dispositif a des buts multiples. Aider le secteur à recruter, en renforçant, par exemple, l'offre de formation aux métiers industriels, l'aider à innover, en permettant notamment aux PME d'accéder à la couteuse recherche et développement et, enfin, simplifier les procédures en facilitant les demandes de dérogation administrative pour mettre en œuvre les projets », explique Guillaume Basset, adjoint du Délégué aux Territoires d'Industrie (lire ci-contre) en rappelant que le secteur industriel ne pèse plus que 12,5 % de l'emploi en France, soit 1 emploi sur 8, et que si l'emploi dans l'industrie repart timidement depuis deux ans, le tissu productif hexagonal peine encore à se relever des décennies de désindustrialisation massive. Le label «Territoires d'industrie » prévoit, en outre, des moyens financiers, administratifs, techniques et humains sous la forme de 17 mesures afin d'aider à «recruter, innover, attirer et simplifier ». 

Favoriser le recrutement

« L'animation du dispositif a été confié aux régions en cohérence avec leur compétence de développement économique qui a été renforcé avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) et leur compétence de formation professionnelle, en lien avec les industriels », précise Guillaume Basset. Parmi les 141 territoires d'industrie retenus, 17 sont situés dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Parmi ces derniers, figure le secteur Roanne-Tarare. Le 20 juin, à L'Arbresle (Rhône), six intercommunalités ont signé le protocole d'accord qui les engage à travailler ensemble sur ce projet : Roannais Agglomération, Charlieu-Belmont Communauté, Pays entre Loire et Rhône, Ouest Rhodanien, Pays de l'Arbresle et Villefranche-Beaujolais. Au total, un territoire de 300 000 habitants marqué par une forte représentation de l'industrie qui totalise 7 % des entreprises et 27 % des emplois (métallurgie-mécanique, textile-habillement-cuir, agroalimentaire, chimie du caoutchouc et du plastique et agrochimie, santé-pharmacie). 
« Fin 2019, le contrat Territoire d'industrie Roanne-Tarare 2019-2022 devrait être signé », se réjouit Yves Nicolin, maire de Roanne et président de Roannais Agglomération. Concrètement, la région Auvergne-Rhône-Alpes assurera le pilotage du dispositif, sous la conduite de Patrice Verchère, conseiller régional, et d'Éric Pommier, directeur de Barriquand Technologies Thermiques, l'un des leaders mondiaux de l'échangeur thermique basé à Roanne. Les industriels se chargeront de l'animation, en lien avec les élus. Business France, Pôle Emploi, la Banque des territoires, Bpifrance et les chambres de commerce et d'industrie se sont également associés à la démarche. «Les entreprises jouent le jeu. Les discussions vont être suivies d'actions concrètes. Dans le Roannais, nous avons une belle carte à jouer. Le territoire d'industrie nous permettra de continuer à modifier notre image et de faire face à nos difficultés de recrutement pour attirer des emplois qualifiés », souligne Yves Nicolin qui veut axer son plan de marche sur la formation. «Depuis deux ans, nous connaissons à Roanne une véritable embellie économique que nous n'avions pas connu depuis des décennies. Nous disposons à l'heure actuelle de près de 1 200 emplois disponibles, qui ne trouvent pas preneurs car nous n'avons pas les profils adéquats en face. Grâce à la labellisation "Territoires d'industrie", nous espérons attirer sur le bassin roannais de nouveaux organismes de formation, notamment sur les métiers industriels ». 
Dans les Hauts-de-France, la communauté de communes de Flandre intérieure et sa voisine de Saint-Omer figurent parmi les 141 territoires labellisés. «Il s'agit d'une excellente nouvelle », se réjouit François Decoster, maire de Saint-Omer et président de la communauté d'agglomération du pays de Saint-Omer (CAPO) qui rappelle la tradition séculaire de coopération entre les élus et les entreprises. «Dans cette région, la mono-industrie verrière a incontestablement ralenti la dynamique d'innovation. Nous avons besoin d'attirer les compétences malgré l'attractivité de la métropole lilloise à moins d'une heure de route », explique François Decoster en soulignant qu'actuellement, sur son agglomération, 29,5 % de l'emploi total salarié est issu de l'industrie, soit l'un des taux les plus importants dans la région. 

Outils pratiques

Depuis deux ans, une large concertation a été menée entre lycées professionnels, l'école d'ingénieurs de Saint-Omer et les entreprises pour établir une stratégie de formation. Cette démarche aboutit à l'ouverture, en septembre, d'une formation bachelor «industrie et numérique ». Le territoire espère aussi obtenir le soutien de l'État pour créer un campus des métiers à Saint-Omer et une école de production à Hazebrouck. D'autres priorités ont été identifiées : accélération du déploiement de la fibre dans les zones rurales, développement de zones industrielles durables, économes en énergie, et stratégie zéro déchet. Selon François Decoster, le dispositif «Territoire d'industrie » représente une aubaine et un accélérateur pour son territoire, car «75 % de notre production industrielle locale est considérée comme intégrant une faible intensité technologique. Nous disposons donc d'une forte marge pour progresser ». 
L'État escomptait la signature d'une quarantaine de protocoles d'ici l'été, et une centaine d'ici à la fin de l'année. Au niveau national, les partenaires territoriaux réunis autour de la région vont devoir tout d'abord diagnostiquer les besoins de main-d'œuvre et adapter les offres de formation. Pôle emploi, l'un des opérateurs engagés dans la démarche, a mis à la disposition du dispositif un moteur de recherche géographique. Par ailleurs, l'outil Forma'diag permet de visualiser les besoins de formations sur un bassin d'emploi. Enfin, un guide méthodologique a été mis à la disposition des territoires d'industrie. Opérateur de ce programme, la Caisse des dépôts a créé, début juillet, avec plusieurs partenaires dont le Commissariat général à l'égalité des territoires, La Fabrique de l'industrie et des universités, un Observatoire des Territoires d'industrie, une plateforme portée par Mines ParisTech, à la disposition notamment des élus locaux, acteurs de l'industrie, experts, chercheurs, services de l'État.

Éric DELON

EN SAVOIR +  
www.cget.gouv.fr 
• L'Observatoire des territoires d'industrie www.la-fabrique.fr/fr/projet/observatoire-des-territoires-dindustrie/
• Le guide : www.entreprises.gouv.fr
Un pilotage national, régional et territorial
Olivier Lluansi a été nommé, en janvier 2019, délégué aux Territoires d'industrie, placé auprès du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) et de la Direction générale des entreprises, par Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances. 
Sa mission : coordonner le déploiement de cette démarche et le processus de contractualisation. Un comité de pilotage national réunit les principaux services ministériels, les opérateurs nationaux concernés et les représentants des collectivités. 
Chaque «Territoire d'industrie » fait l'objet d'une contractualisation sur 2019-2022, sous le pilotage des présidents d'EPCI et des industriels locaux. Les régions assurent, elles, le pilotage d'ensemble en lien avec l'État et les opérateurs. 
À savoir
Les 141 territoires d'industrie ont été identifiés sur la base de critères définis par la mission de cadrage «Territoires d'industrie » avec le concours des services de l'État et en concertation avec les collectivités territoriales. Ils sont composés d'un ou plusieurs EPCI correspondant, le cas échéant, à un périmètre de territoire de projet (pays, PETR...). Certains territoires sont interdépartementaux, voire interrégionaux. Le programme s'articule autour de :
• 4 enjeux majeurs : recruter, innover, attirer des projets et simplifier ;
• 17 mesures pour les aider à développer ou renforcer leurs ­projets de territoire ;
• 1,36 milliard d'euros prioritairement fléché vers leurs projets.
n°371 - septembre 2019