Pourquoi avez-vous choisi de camper le maire d’une grande ville ?
J’ai privilégié un homme politique dont l’engagement relève d’une vocation. Paul Théraneau, maire de Lyon, a la volonté de servir l’intérêt général depuis une trentaine d’années. Mais il a aussi un intérêt personnel et politique à le faire, avec une ambition nationale à laquelle seul un mandat à la tête d’une grande ville peut lui permettre d’accéder. La gestion de sa ville est le laboratoire en miniature de son destin national. Je voulais aussi camper un maire à plein temps, non-stop, 24 heures sur 24, qui ne décroche jamais, afin de montrer l’investissement colossal, le degré total de son engagement. Gérer une grande ville, c’est quasiment un ministère !
Le maire de Lyon, Paul Théraneau, n’arrive plus à penser, n’a plus d’idées… Pourquoi ?
Ce qui porte avant tout un homme politique, c’est la vocation, l’instinct, le courage, la générosité. Le maire de Lyon est bloqué car il a perdu l’intuition, il réfléchit trop, il est paralysé. Il a connu un âge d’or, il a transformé profondément sa ville au cours des mandats successifs. Mais il coince brusquement, en s’interrogeant sur la portée de ses actions, sur leur impact sur le quotidien de ses administrés. J’ai voulu décrire son malaise. Et poser une question : comment articuler réflexion et action ?
Le cabinet du maire adresse au maire une jeune philosophe, Alice Heimann, dont la tâche consiste à lui redonner des idées. Pourquoi ce choix iconoclaste ?
Le maire a besoin d’une rupture. La rencontre du politique et de la philosophe est une fable : c’est avant tout l’histoire d’une complicité qui s’établit progressivement, le récit d’une amitié sans ambiguïté qui se tisse. Alice, l’intellectuelle, qui n’a jamais travaillé, plonge dans ce bouillonnement municipal qui la forge et l’endurcit, mais qui la secoue également. Le maire recherche, lui, de l’oxygène, il se déporte du quotidien à travers cette relation, il retrouve une forme d’intériorité et de recul sur le sens de son action. Alice le fait « tomber de vélo » en quelque sorte, elle le fait réfléchir, douter, et contribue sans doute à le faire raccrocher. Seul, et sous l’emprise de son cabinet et de son entourage, il n’y serait sans doute pas parvenu.
Votre film pointe une forme de superficialité au sein des membres du cabinet du maire, entre phrases creuses, prêt à penser et théories fumeuses de consultants. Est-ce l’image que vous avez de la sphère politique ?
Il y a une tendance à un discours de vide dans le milieu politique. J’ai surtout voulu montrer la cocasserie de l’immédiateté, de la gestion dans l’urgence, le stress du travail au sein d’un cabinet qui ne fait que répondre aux mini crises successives. Il y a un ressort quasi comique : je ne dénonce pas ce fonctionnement, je le montre, en évitant la complaisance ou la critique exagérément virulente.
Le maire vous fascine-t-il ?
J’ai de l’empathie pour cet élu dont l’investissement est énorme. La politique, le monde politique sont le sujet de mes courts-métrages. J’ai été intéressé par l’engagement politique mais le cinéma m’a très vite détourné d’une possible vocation d’élu. L’impact du mandat sur la vie personnelle et familiale est tel que j’ai renoncé. Être maire, c’est être aspiré partout, tout le temps !