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Maires de France


Pratique
01/11/2019
Développement économique Finances

Recourir au financement participatif en toute sécurité

Pour compléter le financement de leurs projets, de plus en plus de communes et d'EPCI sont tentés de faire appel au crowdfunding. Mode d'emploi.

Fabienne NEDEY
Illustration
© AdobeStock
Par le biais des plateformes de financement participatif en ligne, qui mettent en contact un porteur de projet et des contributeurs, tout citoyen peut contribuer au financement d'un projet.
Le financement participatif, ou « crowdfunding » (« financement par la foule »), est un mécanisme qui permet de récolter des fonds auprès du grand public au moyen d’une plateforme sur internet, en vue de financer un projet. Ainsi, par le biais des plateformes de financement participatif en ligne, qui mettent en contact un porteur de projet et des contributeurs, tout citoyen peut contribuer au financement d’un projet. Ce dispositif est en plein essor : les montants collectés en France sont passés de 150 millions d’euros en 2014 à 336 millions d’euros en 2017.  
Il existe en fait trois formes de financement participatif : le don avec ou sans contrepartie, le prêt avec ou sans intérêt (« crowlending »), l’investissement en actions, en obligations ou en royalties (« crowequity »). Les projets peuvent porter notamment sur les domaines artistique, culturel, social, huma­nitaire, environnemental, innovation, recherche, entreprenariat ou immobilier… 
Face à ce nouveau mode de financement, les collectivités territoriales peuvent remplir deux rôles : un rôle d’utilisateurs de ces plateformes en tant que porteur de projets publics, et un rôle de soutien aux projets portés par les acteurs privés de leur territoire.

 
1 Cadre juridique 
Le financement participatif a été doté d’un cadre légal avec l’ordonnance du 30 mai 2014 (entrée en vigueur le 1er octobre 2014), complétée par le décret du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif. Cette réglementation a eu pour objectif de favoriser le développement de ce mode alternatif de financement tout en renforçant la protection des investisseurs. 
Ces textes régissent principalement les modalités de fonctionnement des plateformes, et des arrêtés complémentaires sont venus préciser le statut de ces dernières. 
En revanche, le cadre règlementaire actuel relatif à l’utilisation du crowdfunding par les collectivités territoriales restait sommaire. Jusqu’en 2015, les collectivités territoriales et leurs groupements n’étaient pas autorisés à confier à un organisme tiers l’encaissement de recettes propres pour leur compte, en lien avec une opération de financement participatif : ils devaient passer par un intermédiaire, association ou fondation, pour utiliser le financement participatif (article 40 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises). 

50 %  
des Français sont favorables à ce que les collectivités territoriales fassent appel au crowdfunding et 1 Français sur 3 est prêt à faire un don ou un prêt à une collectivité afin de « participer au développement du territoire » et « du fait de la proximité du projet ». 
(Source : Étude Ernst & Young, 2016).

Depuis le décret n° 2015-1670 du 14 dé­cembre 2015 portant dispositions relatives aux mandats confiés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les collectivités peuvent utiliser cet outil directement, en conservant le portage politique du projet. En effet, ce décret insère un article D. 1611-32-9 dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT), qui prévoit que « les collectivités territoriales et leurs établissements publics peuvent confier à un organisme public ou privé l’encaissement de recettes relatives aux revenus tirés d’un projet de financement participatif au profit d’un service public culturel, éducatif, social ou solidaire ». En revanche, si le projet ne découle pas d’un service public culturel, éducatif, social ou solidaire, la collectivité est toujours tenue de passer par un intermédiaire (association ou fondation). 

 
2 Choix de la plateforme 
Il existe un grand nombre de plateformes de financement participatif. Elles se rémunèrent généralement par une commission perçue sur la somme collectée (entre 3 et 12 %). Pour la collectivité, le choix de la plateforme est une étape importante. Les plateformes peuvent être nationales ou locales, généralistes ou spécialisées. Elles affichent généralement sur leur site internet les projets qu’elles ont portés, avec les taux de réussite, les montants collectés, la typologie du projet, etc. La direction générale du Trésor a créé un label « Plateforme de financement participatif régulée par les autorités françaises », qui permet de garantir le respect de la règlementation française du crowdfunding par les plateformes qui bénéficient de ce label (1). Il est également possible de se renseigner sur le site de l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (ORIAS) pour s’assurer que la plateforme est référencée par les autorités de régulation.
Le choix de la plateforme doit respecter les principes de transparence et de libre concurrence. En effet, la convention de mandat qui sera signée entre la collectivité et la plateforme est soumise à la règlementation relative aux marchés publics puisque c’est une prestation de service pour le compte de la collectivité. 
Dans la plupart des cas, les montants de ces marchés seront néanmoins inférieurs aux seuils.


3 Règles de comptabilité publique 
La personne publique qui confie à une plateforme l’encaissement de recettes relatives aux revenus tirés d’un projet de financement participatif est tenue de le faire par mandat écrit, après avis conforme du comptable public (article L. 1611-7-1 du Code général des collectivités territoriales).
Cela s’inscrit dans le respect du principe de l’exclusivité de compétence du comptable public pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses publiques (article L. 2343-1 du Code général des collectivités territoriales). 
La collectivité devra ainsi prendre une délibération d’emprunt classique, valider le projet et donner délégation à son représentant pour la signature du contrat qui va lier la collectivité à la plateforme. 
À la fin du processus de collecte par la plateforme, la collectivité signe électroniquement un contrat de don ou de prêt et un reçu fiscal avec chaque donateur.


4 Affectation des recettes aux dépenses 
Le financement participatif est basé sur le principe selon lequel celui qui prête ou donne à une plateforme a l’engagement que cet argent soit attaché à un projet déterminé. Or, l’argent versé pour un projet public est considéré comme de l’argent public et, selon la règle de non affectation des recettes, une personne publique ne peut pas garantir que les fonds issus du crowdfunding serviront effectivement à financer le projet pour lequel ils ont été collectés : l’argent récolté va dans le budget global de la collectivité. Les collectivités peuvent créer une comptabilité analytique pour tracer les sommes. Elles seront  dans tous les cas tenues, moralement et politiquement, de réaliser les projets pour lesquels la générosité du public a été mobilisée.


(1) www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/11060_un-label-pour-le-financement-participatif


Avis d’expert
Marion Didier,
conseillère juridique et technique au département
du conseil juridique de l’AMF
« Le financement participatif est un outil intéressant pour les collectivités territoriales. L’enjeu est triple pour les collectivités : source de financement, implication citoyenne et communication territoriale. C’est une ressource alternative et complémentaire, dans un contexte de baisse des dotations et de difficultés d’obtention de prêts bancaires. 
Elle présente aussi l’avantage de mobiliser les citoyens désireux de soutenir l’action locale, dans le cadre d’une philanthropie moderne et participative. C’est enfin un outil de communication fort sur le dynamisme territorial et sur les projets emblématiques portés par la collectivité. Les clés de la réussite d’une campagne reposent notamment sur l’étude du projet et de la cible, la présentation d’un projet personnalisé, cohérent et créatif, la sélection de la plateforme (audience et taux de ­succès)… Le choix de la bonne période dans l’année importe également : elle doit être propice à la mobilisation des contributeurs et des équipes de la collectivité. 
Soigner l’aspect communication sera ­primordial : vidéo de présentation, ­communiqués de presse, valorisation dans les supports de communication et sur les réseaux sociaux. Enfin, il est nécessaire de viser des objectifs mesurés et réalistes (montant et durée). »

 

En savoir +     
• Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif (entrée en vigueur le 1er octobre 2014).
• Décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif.
• Décret n° 2015-1670 du 14 décembre 2015 portant dispositions relatives aux mandats confiés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics.
• Note de l’AMF sur l’outil «financement participatif » utilisé par les collectivités territoriales. www.amf.asso.fr(réf. CW39627).

À retenir
Outre l’importance du choix de la plateforme (agrément et sérieux), il convient de sécuriser le volet juridique du projet (mandat, affectation des fonds au projet, respect de l’intérêt public local, respect des règles d’intervention économique), de bien mesurer les impacts financiers, notamment en cas de prêts avec intérêts ou d’engagement en nature, et d’organiser Intelligemment la mobilisation de la collectivité (définition des besoins, communication…).
 

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