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Maires de France
Pratique
01/02/2019
Transports, mobilité, voirie

Mobilité douce : favoriser la marche à pied en ville

Le mode de déplacement le plus écologique et le plus économe est la marche à pied. Quelques principes pour l'encourager et la faciliter.

Martine KIS
Illustration
© Ursule/AdobeStock
La plupart des villes veulent encourager la marche à pied pour préserver la qualité de vie, limiter la pollution atmosphérique, favoriser la santé des habitants. Encore faut-il travailler à la bonne échelle, en partant d’une connaissance fine des besoins et des déplacements des habitants. Et en conjuguant sécurité des piétons et qualité des espaces parcourus.

484  piétons ont été tués et 4 439 blessés ­hospitalisés en 2017, en France métropo­litaine. 48 % des ­piétons tués avaient 65 ans ou plus. 64 % des piétons sont tués par un véhicule de tourisme, 12 % par un poids lourd ou un véhicule de transport en commun et 10 % par un véhicule utilitaire.

(Source : Sécurité routière, Bilan définitif de l’accidentalité routière 2017).

Concevoir la marche à l’échelle de l’agglomération. Souvent, les politiques en faveur de la marche se concentrent sur les quartiers centraux, patrimoniaux, pour les débarrasser de la voiture. Or, ce ne sont pas prioritairement les habitants de ces quartiers qui utilisent la voiture. Il faut donc encourager la marche chez tous les habitants de l’agglomération. Y compris ceux des quartiers périphériques et du périurbain, bien équipés en automobile. 

Connaître les flux de piétons. Tout le monde marche, ne serait-ce que pour aller jusqu’à sa voiture ou son bus. Il importe de se demander qui marche (enfants, adultes, personnes âgées), pour aller d’où à où, à quel moment (journée, semaine, année…), à quelle fréquence... Seule une telle enquête permet, d’une part, de répondre aux besoins réels (par exemple, en reconnaissant un itinéraire emprunté par les résidents d’un Ehpad), d’autre part, d’identifier des problèmes : telle rue évitée par les femmes, tel carrefour obligeant à un détour dissuasif. 

Créer une signalétique dédiée. Pour un piéton, il est plus important de connaître la distance en temps qu’en mètre ou en kilomètre. Paris ou Dunkerque disposent de cartes où des cercles concentriques montrent les distances à 5 min, 10 min de marche à pied. Elles indiquent aussi les principaux monuments et équipements accessibles. Il vaut mieux dissocier les informations pour piétons des informations routières : le marcheur ne pense pas toujours à lever les yeux vers celles-ci. Des jalonnements au sol permettent de créer des itinéraires touristiques ou de se diriger vers des équipements importants. 

Donner à voir. Un environnement beau et varié donne envie de marcher. À Nantes, dans le nouveau quartier d’Euronantes, l’urbaniste Gérard Pénot travaille les vues pour le « volume du piéton » : rez-de chaussée de qualité, façades « actives, participant à la vie du sol urbain », porosité entre le public et privé pour que le regard puisse s’égarer dans des vues lointaines, avec une présence végétale « expressive », maillage urbain multipliant les possibilités de croisement.

Travailler les connexions. Passer d’un quartier à l’autre, traverser une voie ferrée, un pont… Autant d’obstacles souvent dissuasifs pour les piétons qui ne verront qu’un allongement de leur trajet et une source d’insécurité. Il importe aussi de respecter les « lignes de désir » des piétons. Ces trajets qui sont spontanément empruntés, à travers une pelouse, une traversée... Les circuits imposant des détours (grands carrefours...) seront contournés par un certain nombre de personnes, qui se mettent ainsi en danger. Les aménagements devront privilégier ces trajets, quitte à stocker les voitures en retrait. 

Prévenir les risques. Les bienfaits de la marche sur la santé sont avérés. On pense moins aux risques de chute. Une dalle disjointe, des feuilles mortes humides dans une rue en pente, des travaux inachevés sont autant de pièges. À l’échelle de l’Europe, 1,6 million de piétons par an sont blessés à la suite d’une chute (European Injury Database). L’analyse des procès-verbaux d’accidents corporels permet de connaître les points les plus sensibles. Et d’y remédier. 

Réduire les vitesses. Le danger, pour les piétons, vient du différentiel de vitesse avec les véhicules motorisés, voitures, motos ou… trottinettes électriques. Zones 30, zones de rencontre, plateaux piétonniers permettent de réduire les vitesses. Le développement des engins de déplacement personnel (trottinette, vélo, monoroue électrique, planche à roulette...), qui circulent et stationnent parfois sur les trottoirs, pose un nouveau défi. Or, les piétons peuvent être plus agressifs vis-à-vis des pratiquants des modes doux irrespectueux de leur priorité que vis-à-vis des automobilistes. 
Une politique de sensibilisation aux droits et devoirs des uns et des autres peut désamorcer les conflits. Les passages piétons sont particulièrement sensibles. Avancée du trottoir et îlot médian en réduisent la longueur. Un nombre croissant de villes recourent au trottoir traversant qui interrompt la chaussée. Ce sont alors les automobilistes qui franchissent le trottoir et non les piétons la chaussée. 

Soigner le confort des piétons. La question des bancs est surtout sensible. Nombre de collectivités les suppriment pour éloigner SDF et bandes de jeunes la nuit, rendant ainsi la marche quasi impossible pour certains (personnes âgées). Pour les espaces des piétons, il convient de bannir, par exemple, les quilles qui réduisent la largeur des trottoirs étroits et interdisent de marcher de front au profit d’une politique de verbalisation des automobilistes. Strasbourg veut ainsi destiner 50 % de l’espace-rue aux piétons (trottoirs, aires piétonnes, zones de rencontre, voies vertes). La mise à disposition de fontaines d’eau et de toilettes publiques participe aussi au confort.  

Penser à tous les habitants. Les aménagements en faveur des piétons ont tendance à oublier les quartiers d’habitat sociaux. Or, selon deux géographes (1), les accidents de piétons touchent plus les habitants de ces quartiers. La pratique de la marche y est en effet élevée, avec une population jeune, au taux de chômage important et faiblement équipée en automobile. Ainsi, aux Minguettes, à Lyon, plus de la moitié des déplacements est réalisée à pied mais ils sont souvent empêchés par des coupures urbaines (voies rapides, ferrées, fleuves). L’accessibilité des transports publics, des pôles commerciaux, des centralités limitrophes doit donc y être facilitée aux piétons.


(1) Inégalités socio-spatiales de risque d’accident en tant que piéton : un cumul de facteurs individuels et contextuels ? de Sylvanie Godillon et Julie Vallée, Revue francophone sur la santé et les territoires, 2015.

Sur le terrain
Aubeterre-sur-Dronne (Charente, 400 hab.)
Les habitants se réapproprient le village
L’important patrimoine architectural d’Aubeterre-sur-Dronne attire une grande foule de touristes. D’où des problèmes de cohabitation «entre autochtones et vacanciers, jeunes et moins jeunes, Français et étrangers », résume Xavier Orain, premier adjoint au maire. Trop de place laissée aux voitures, trottoirs étroits, problèmes d’accessibilité…, ce constat a incité le maire, Jacques Mercier, à doter le bourg d’un plan de circulation et à instaurer une zone de rencontre, en 2015, avec vitesse limitée à 20 km/h sur toute la partie agglomérée du village. «Cela couvre 90 % de la commune en matière de fréquentation », souligne Xavier Orain. Auparavant, toutes les venelles ont été aménagées afin de faciliter les liaisons pédestres entre le haut et le bas du village, y compris aux abords de la maison de retraite. La place centrale du village devient en partie une aire piétonne. Des arrêts minutes permettent de stationner pour faire quelques courses. Un cheminement doux a été créé entre le centre et la base de loisirs, desservant aussi la salle des fêtes, les terrains de sports, la plage et le camping. «Il a fallu acquérir l’emprise au prix fort. Heureusement, il n’y avait qu’un seul propriétaire », se souvient l’adjoint. Le confort des marcheurs n’a pas non plus été oublié (réhabilitation des toilettes publiques, fleurissement, pose de bancs). «Les habitants ont un sentiment de reprise de possession de leur village. Les personnes âgées et handicapées peuvent de nouveau se promener. Les principaux gagnants sont les commerçants et les estivants ». 

Quels documents d’urbanisme ?
• Le schéma de cohérence territoriale prend en compte la marche à l’échelle d’un bassin de vie ou d’une aire urbaine. 
• Le plan de déplacements urbains fixe des objectifs et permet de les évaluer. 
• Le plan local d’urbanisme prend en compte le schéma directeur des modes actifs si la collectivité en dispose. 
• Le plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics réalise un diagnostic complet de la chaîne de déplacement selon les itinéraires et les pôles générateurs de déplacements piétons. 
• Le schéma directeur des modes actifs crée un maillage pédestre sur un territoire (fiches-actions et planification). 
• Le plan piéton établit un diagnostic, des objectifs, une mise en œuvre et un suivi.

À lire     
• Cœurs de villes et de villages accessibles à tous. Recueil de belles pratiques, Cerema. À télécharger gratuitement sur www. cerema.fr
• La marche à pied en Île-de-France, IAU-IDF. www.iau-idf.fr
• La ville au corps à corps, de Gérard Pénot (sous la direction d’Ariella Masboungi), Grand Prix de l’urbanisme 2015. Éditions Parenthèses.

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°365 - Février 2019
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