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Maires de France
01/10/2020
Vie locale

Emploi des jeunes : la mobilisation est aussi locale

Alors qu'un plan d'aide aux jeunes été lancé, fin juillet, pour tenter d'amortir la crise de l'emploi, les communes se mobilisent en s'appuyant notamment sur les missions locales.

Sophie LE GALL
Illustration
© Service communication de Sarcelles
Roissy Pays de France (95) a inauguré, en 2019, à Sarcelles, l'Espace Ressources Mutualisé dédié à l'emploi et à l'insertion professionnelle.
Jean Vila, maire de Cabestany (Pyrénées-Orientales, 10 100 hab.) et ­président de la mission locale départementale « Jeunes Pyrénées orientales », résume l’état d’esprit de nombre d’élus en cette rentrée exceptionnelle : « Je suis particulièrement inquiet pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi. Ils vont être mis en concurrence avec des chômeurs plus âgés et dans la logique d’un employeur, il est plus rassurant d’embaucher quelqu’un qui a de l’expérience. »
Le gouvernement a signifié qu’il prenait la mesure de ce risque en lançant, le 23 juillet, le plan « 1 jeune, 1 solution ». Doté d’une enveloppe de 6,5 Mdse pour la période 2020-2021, ce plan correspond au premier volet du plan de relance de l’emploi (15 Mdse au total) et vient compléter le plan en faveur de l’apprentissage, présenté en juin 2020. Mesure phare de ce plan : la compensation de charge de 4 000 e versée par l’État pour tout jeune recruté par une entreprise entre août 2020 et janvier 2021. À ce coup de pouce, viennent s’ajouter des mesures spécifiques pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi avec la construction de 300 000 parcours d’insertion sur mesure dont les moyens et objectifs ont été précisés, le 3 septembre, lors de la présentation du plan de relance (lire ci-contre). Par ailleurs, 100 000 missions de service civique supplémentaires seront créées en 2020 et 2021 (pour les 16-25 ans), notamment pour soutenir l’emploi associatif : les moyens du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire ­(Fonjep) seront renforcés (2 000 emplois supplémentaires) et 2 500 jeunes seront orientés vers des emplois dans le monde du sport dans le cadre de l’action de l’Agence nationale du sport (ANS). 
En parallèle de ce soutien à la création d’emploi, le gouvernement entend muscler la formation et l’orientation vers les secteurs et les métiers d’avenir. Afin que ces outils nationaux soient adaptés aux spécificités locales, il compte sur les élus locaux pour définir les modalités de leur déclinaison territoriale. Une circulaire en ce sens sera prochainement adressée aux préfets. 

Près d’1,3 million de jeunes par an sont en contact avec les missions locales. Elles verront leurs moyens augmenter de 100 ME, dans le cadre du plan jeunes, pour financer les dispositifs Pacea et garantie jeunes supplémentaires.

Missions locales innovantes

En attendant les effets de ces mesures, quels sont les outils dont disposent les élus locaux pour répondre, dès aujourd’hui, aux besoins des jeunes sans emploi ? Pour Pierre Labriet, adjoint à la jeunesse et sport, politique de la ville d’Échirolles (Isère, 37 000 hab.), les élus peuvent actionner quatre moyens d’action complémentaires : « la mission locale du territoire, la politique de l’emploi menée à l’échelle de l’intercommunalité, le renforcement de la politique de prévention pour aller vers les jeunes les plus “invisibles”, et l’innovation pour sortir des dispositifs classiques, comme la garantie jeunes, qui a introduit, avec succès, le principe des actions collectives plutôt que l’accompagnement individualisé ». 
Pour sortir des sentiers battus et unir leurs forces, les quatre missions locales de l’agglomération grenobloise ont mutualisé leurs moyens, dès 2015, dans le cadre du lancement de la garantie jeunes, au sein de l’association Réussir Ensemble, mettant en commun équipes, compétences et publics respectifs. La mutualisation a aussi été le choix de la communauté d’agglomération Roissy Pays de France (Île-de-France, 42 communes, 350 400 hab.) qui a ouvert, fin 2019, à Sarcelles (Val-d’Oise, 58 500 hab.), l’Espace Ressources Mutualisé, projet pilote appelé à être dupliqué sur le territoire de la communauté. Dédié à l’emploi et à l’insertion professionnelle des 18-25 ans, l’Espace rassemble en un même lieu la mission locale, le plan local pour l’insertion et l’emploi (Plie), l’espace emploi, le pôle « prévention jeunes et familles » et le programme de réussite éducative (PRE) de la ville. « Autour de ce noyau dur, se sont ajoutées des associations œuvrant, par exemple, pour la santé », précise Patrick Haddad, maire de Sarcelles. « L’objectif est de faire des passerelles, parler emploi même si la demande initiale porte sur la santé, et lever les freins sociaux en même temps que l’on accompagne vers l’emploi. Travailler ainsi en synergie en un même lieu », poursuit-il. En complément, il entend «mieux structurer le réseau de l’ensemble des structures qui accueillent des jeunes, comme les antennes jeunes ou les centres sociaux, pour que la question de l’emploi soit abordée en un maximum de lieux et d’occasions ». 
Au sein de la mission locale du bassin économique de Montereau (MILOBEM), localisée à Montereau-Fault-Yonne (Seine-et-Marne, 20 000 hab.), on pratique la mutualisation depuis… 1999, date à laquelle des communes, en majorité rurales, se sont constituées en réseau (aujourd’hui au nombre de 23) pour aider à l’insertion des jeunes. Alain Demelun, maire de La Brosse-Montceaux (Seine-et-Marne, 700 hab.) et président de la mission locale, rappelle que «les petites communes n’ont pas les mêmes moyens que les grandes villes, par exemple des éducateurs de rue pour aller vers les jeunes les plus difficiles à repérer ». 

Intégrer au sein de la collectivité

Si la mission locale semble plus que jamais le maillon fort de l’insertion professionnelle des jeunes, il ne faudrait pas oublier le soutien des collectivités aux différents secteurs qui forment de nombreux jeunes, comme les entreprises d’insertion ou l’économie sociale et solidaire. Ni l’accueil en direct de jeunes dans leurs services, via les contrats aidés ou l’apprentissage, même si cette dernière formule est aujourd’hui beaucoup plus coûteuse pour le secteur public que pour le privé, en dépit du soutien du CNFPT (lire ci-contre). Le président du conseil départemental de Saône-et-Loire, André Accary, entend ainsi passer, avant la fin de l’année, de 12 à 50 apprentis. « Avec ses 110 métiers, le conseil départemental constitue un environnement très favorable pour accueillir des profils très divers. Il faut voir cette intégration comme un investissement et non comme un coût. Les jeunes formés sont ensuite opérationnels pour rester dans nos services », estime-t-il. 
À beaucoup plus petite échelle, Annie Lagrenade, adjointe à la Jeunesse de Briscous (Pyrénées-Atlantiques, 2 800 hab.), rappelle que, tout en ayant des moyens très modestes, une commune peut toujours jouer la carte de la proximité : « nous répondons favorablement à la demande de tout jeune qui veut faire le point sur son orientation, qu’il s’agisse de discuter avec un de nos agents ou faire un stage. Quand il y a peu de ressources locales, l’accueil doit être d’autant plus au rendez-vous ». 

Avis d’expert
Jean-Patrick Gille, président de l’Union nationale des missions locales (UNML), conseiller régional Centre-Val de Loire
« Les missions locales font du sur-mesure avec les communes »
« Je veux dire aux maires, notamment aux maires nouvellement élus, “investissez-vous encore davantage dans la ­mission locale de votre territoire !” Avec la mission locale, les élus disposent d’un outil très complet pour soutenir l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de leur commune. Un outil qui décline les programmes nationaux mais qui est aussi local, avec lequel les élus peuvent prendre des initiatives adaptées aux besoins de la population. Une mission locale n’est pas le «Pôle emploi des jeunes ». C’est un lieu où, en ­collaboration avec des partenaires locaux dont les communes, on parle, en plus de la question de l’emploi, de santé, de culture ou encore de loisirs. De plus, la mission locale est un outil de développement des relations avec les entreprises. Aujourd’hui, toutes nos équipes sont fortement mobilisées pour mettre en œuvre la mesure d’obligation de formation pour les 16-18 ans, inscrite dans la loi pour une école de la confiance. 
Avant la crise liée au covid-19, nous tablions sur une file active de 40 000 à 80 000 jeunes concernés, ce qui représentait déjà une proportion importante. On peut s’attendre à suivre encore davantage de décrocheurs. Nous nous tenons prêts même si le budget qui nous a été alloué pour mettre en œuvre cette mesure n’a pas été augmenté. »

 

Le soutien du CNFPT
Depuis la parution du décret du 26 juin 2020 (1), le CNFPT est l’interlocuteur des collectivités qui souhaitent intégrer des jeunes par la voie de l’apprentissage. Il a mis en place, depuis le 15 septembre, 8 coordinateurs régionaux (2). Le Centre peut accompagner les collectivités en prenant en charge une partie du financement de la formation dans le secteur public local. Il entend aider les collectivités à négocier les frais de formation, faire le relai entre les collectivités et les opérateurs de la formation ou encore renforcer la formation des maîtres d’apprentissage. Il s’est fixé un objectif de 7 000 nouveaux apprentis par an (et 5 000 en 2020, compte tenu de la crise sanitaire).
(1) Décret n° 2020-978 du 5 août 2020 relatif à l’obligation de formation des jeunes de 16 à 18 ans. (2) www.cnfpt.fr/se-former/former-vos-agents/accueillir-apprenti/national-0 
En savoir +
• Union nationale des missions locales (UNML) : www.unml.info 
• Plan «1 jeune, 1 solution » : https:// travail-emploi.gouv.fr /IMG/pdf/dp_plan_jeunes.pdf 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°383 - Octobre 2020
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