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Maires de France
Juridique
01/09/2019
Aménagement, urbanisme, logement

Cohésion des territoires : focus sur la nouvelle Agence nationale

La loi du 22 juillet 2019 créant cette structure était très attendue. Mais le texte ne dote pas la nouvelle agence de moyens financiers précis et sa gestion sera centralisée.

Fabienne NEDEY
La proposition de loi portant création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été définitivement adoptée au Parlement le 9 juillet 2019 et la loi promulguée au JO du 23 juillet. Cette nouvelle structure devrait être opérationnelle au 1er janvier 2020. 
Pour rappel, sa création avait été annoncée par le président de la République à l’occasion de la Conférence nationale des territoires, en juillet 2017. Selon la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités locales, Jacqueline Gourault, le but de l’Agence est de «transformer en profondeur la manière dont l’État organise son action et le soutien qu’il apporte aux territoires et à leurs projets ». Elle a affirmé, à plusieurs reprises, au printemps dernier, que l’ANCT répondait à la demande formulée par les représentants des élus locaux souhaitant disposer d’un accès plus simple aux services de l’État et aux différents opérateurs intervenant dans les territoires pour soutenir les projets portés par les élus dans les territoires les plus fragiles (territoires ruraux, villes moyennes en difficulté…). Si cet objectif fait consensus, nombreux sont ceux qui, parmi les parlementaires et les élus locaux, craignent que l’ANCT ne soit, au final, pas à la hauteur des ambitions et des attentes. 

L’agence a vocation à assurer une double fonction : mettre en œuvre la politique de l’État dans les territoires et soutenir les projets locaux.

L’enjeu premier était en effet de pouvoir accompagner les collectivités ayant de faibles moyens d’ingénierie et qui doivent faire face à la grande complexité des procédures. Mais au terme de débats parlementaires qui ont été vifs s’agissant des missions, des moyens de l’agence, ainsi que de sa gouvernance, de nombreuses interrogations demeurent. Peu d’observateurs croient que cette structure aura une réelle capacité à mobiliser de l’ingénierie pour les projets des communes et des intercommunalités, notamment pour ceux qui ne s’inscriraient pas dans les programmes territorialisés de l’État (Action cœur de ville, territoires d’industrie, etc.). 
 
1 Missions
L’article 1er de la loi énonce que «l’Agence nationale de la cohésion des territoires est une institution nationale publique, créé sous la forme d’un établissement public de l’État ». La formulation surprend un peu et laisse déjà transparaître un caractère assez centralisateur de cet instrument, qui devient de plus en plus manifeste à la lecture du reste du texte. L’action de l’agence cible prioritairement, d’une part, « les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d’accès aux services publics » et, d’autre part, « les projets innovants  ».
L’article 2 définit les missions de l’Agence : « conseiller et soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la conception, la définition et la mise en œuvre de leurs projets, notamment en faveur de l’accès aux services publics, de l’accès aux soins, du logement, des mobilités, de la mobilisation pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les quartiers urbains en difficulté, de la revitalisation, notamment commerciale et artisanale, des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique, du développement économique ou du développement des usages numériques ».
L’Agence doit ainsi « faciliter l’accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d’ingénierie juridique, financière et technique, qu’elle recense », apporter un concours humain et financier aux collectivités territoriales, et favoriser la coopération entre les territoires. Elle « centralise, met à disposition et partage les informations relatives aux projets en matière d’aménagement et de cohésion des territoires dont elle a connaissance ». Elle «soutient les réseaux associatifs » dans le cadre des compétences qui lui sont attribuées. Elle assure «une mission de veille et d’alerte » afin de sensibiliser et d’informer les administrations ainsi que les opérateurs publics et privés sur les impacts territoriaux de leurs décisions en matière de cohésion et d’équité territoriales. 
Elle «informe et oriente, le cas échéant, les porteurs de projets dans leur demande de subvention au titre des fonds européens structurels et d’investissement » auprès des autorités de gestion compétente et elle coordonne l’utilisation de ces fonds européens, en assistant le ministre chargé de l’Aménagement du territoire dans sa mission de définition, de mise en œuvre et de suivi des politiques nationales et européennes de cohésion économique, sociale et territoriale. En résumé, elle a vocation à assurer une double fonction : mise en œuvre de la politique de l’État dans les territoires et soutien aux projets locaux.

2 Contrats de cohésion territoriale
Toujours dans l’article 2, la loi précise que l’Agence doit assurer la mise en œuvre de la politique de l’État en matière d’aménagement durable et de cohésion des territoires en conduisant des programmes nationaux territorialisés et en prévoyant, «selon des modalités précisées par décret, la mise en œuvre déconcentrée de ces programmes au moyen de contrats de cohésion territoriale ». Le texte indique que ces contrats « s’articulent avec les projets de territoire élaborés par les collectivités locales et leurs groupements ». Ils peuvent intégrer tout autre contrat prévu par les lois et règlements en vigueur, relatif à l’aménagement du territoire, à la politique de la ville, au numérique, ou à tout autre domaine relevant des compétences de l’Agence.
Il est légitime de se demander si ces politiques iront au-delà des programmes nationaux territorialisés qui existent déjà (on pense aux programmes Action cœur de ville, Territoires d’industrie, etc.) (1) et, plus encore, si l’agence apportera, comme l’attendent les élus locaux, un soutien réel aux projets territoriaux librement développés par les collectivités. 

Quels moyens ?
L’article 5 de la loi traite des ressources de l’agence : 
« contributions et subventions de l’État et d’autres ­personnes publiques, financements par des personnes privées, produit des aliénations, dons et legs… » Mais on ne connaît toujours pas précisément les moyens financiers qui lui seront alloués. L’ANCT risque de devoir se contenter d’agréger les budgets des établissements qu’elle réunit. «Si d’aventure, les moyens devaient être identiques, voire en diminution, nous ne pourrions que regretter que cette nouvelle agence (…) ne soit en réalité qu’une simple réorganisation administrative », a déclaré la députée Marie-Noëlle ­Battistel, le 9 juillet, jour du vote de la loi, à la ministre Jacqueline Gourault.

3 Gouvernance
Jusqu’au bout des débats, les sénateurs et une partie des députés ont tenté d’obtenir un accroissement du poids des élus locaux dans la gouvernance de l’Agence, sans y parvenir. La position du gouvernement est restée très ferme : il s’agit d’une Agence de l’État, composée d’agents de l’État, dont le budget fonctionnera à partir de crédits de l’État, donc c’est l’État qui dirige. L’argument faisant valoir que, s’agissant d’une Agence dont le rôle est d’accompagner les collectivités et les territoires dans la mise en œuvre de leurs projets, il est normal que les élus locaux y aient une place prépondérante, a été balayé. 
L’article 3 de la loi pose les règles d’organisation et de fonctionnement. Le conseil d’administration de l’ANCT comprend des représentants de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, pour «au moins la moitié de ses membres ». Les autres collèges seront donc minoritaires. Le reste du conseil d’administration est composé de deux députés, deux sénateurs, des représentants des collectivités locales et de leurs groupements, ainsi que du personnel de l’Agence. Deux petites concessions ont été accordées dans le cadre des derniers débats. 
Premièrement : en cas de désaccord du collège des élus sur une décision, une deuxième délibération portant sur le même objet sera inscrite à l’ordre du jour de la séance suivante (une seule nouvelle délibération pourra avoir lieu sur le même sujet). Deuxièmement : le président de l’Agence sera choisi parmi les élus locaux (mais le directeur général sera désigné en Conseil des ministres et nommé par décret). Par ailleurs, on notera que le Comité national de coordination de l’Agence, dont la composition est définie à l’article 8 de la loi, ne comprendra, lui, aucun élu local (les associations représentatives d’élus en sont également exclues).

4 Ancrage territorial
L’article 4 fait du préfet de chaque département le délégué territorial de l’Agence, donnant ainsi à la structure son ancrage territorial, à l’échelon départemental. Le préfet doit assurer «la cohérence et la complémentarité des actions de l’agence, d’une part, avec les soutiens apportés aux projet locaux par les acteurs locaux publics ou associatifs intervenant en matière d’ingénierie et, d’autre part, avec les décisions prises au sein de la Conférence territoriale de l’action publique ». La loi précise qu’il doit veiller à encourager la participation du public dans le cadre de l’élaboration des projets des collectivités territoriales et de leurs groupements. En outre, il doit réunir au moins deux fois par an un comité local de cohésion territoriale, «qui est informé des demandes d’accompagnement émanant des collectivités, des suites qui leur sont données et, le cas échéant, de la mise en œuvre des projets concernés ». Le rôle de ce comité local n’est pas encore complètement clair. Sa composition et ses modalités de fonctionnement seront précisés par voie réglementaire.

 

Établissements intégrés et relations avec les structures liées
• L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) sera constituée par le regroupement des services de structures existantes : le Commissariat général à l’égalité des territoires, l’Agence du numérique, l’Établissement public d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Épareca). 
La mission anciennement confiée à l’Épareca s’élargit, sur le papier, à d’autres territoires fragiles. L’Agence pourra assurer, après accord des communes et EPCI concernés, la maîtrise d’ouvrage «d’actions et d’opérations tendant à la création, l’extension, la transformation, la reconversion, la gestion ou l’exploitation de surfaces commerciales, artisanales et de services, ainsi que de tous les locaux implantés sur ces dernières ». Pour cela, elle peut acquérir des fonds commerciaux ou artisanaux, céder les immeubles ou les fonds acquis, confier leur gestion, gérer et exploiter les locaux, conclure des transactions… 
• En matière de numérique, l’ANCT pilotera la mise en œuvre des programmes nationaux visant à assurer la couverture numérique de l’ensemble du territoire et à favoriser l’accès de la population aux outils numériques.
• L’ANCT œuvrera en coordination avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah), l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). Au final, ces grands établissements publics n’y seront donc pas intégrés, mais ils sont appelés à contractualiser avec elle et associés à sa gouvernance (articles 7 et 8 de la loi). 
On peut cependant s’interroger sur la valeur ajoutée des partenariats noués par l’Agence avec ces structures, alors que les collectivités travaillent déjà en lien étroit avec elles.

 


Référence
• Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires.
 

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