Décentralisation : l'Etat et les sénateurs excluent un « big bang »
Lors d'un débat organisé le 4 novembre au Sénat, les parlementaires ont pressé le gouvernement de clarifier la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités, de restaurer l'autonomie financière et fiscale de ces dernières et de donner un pouvoir règlementaire aux élus.

Objectif, échanger les points de vue avec Françoise Gatel, ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, alors que le chef du gouvernement veut engager un nouvel acte de décentralisation en promettant un texte «avant les élections municipales ».
Dans cette perspective, Sébastien Lecornu a demandé leurs contributions aux associations nationales d’élus locaux et aux parlementaires (qui devaient rendre leur copie le 31 octobre), mais aussi aux préfets qui devront transmettre leurs propositions à l’exécutif d’ici à la mi-novembre (lire Maire info du 3 novembre).
« Pas de de grand soir » de la décentralisation
Au Sénat, pendant deux heures, élus et gouvernement ont esquissé les contours de ce que pourrait être cette réforme. «Cela ne sera pas un grand soir car je crains les petits matins blêmes, a indiqué d’emblée Françoise Gatel, en faisant référence notamment à la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions et à la loi NOTRe du 7 août 2015, des textes «pensés de manière uniforme » qui «ont défini l’efficacité de l’action publique à partir de seuils ».
La ministre (et ancienne sénatrice d’Ille-et-Vilaine) a ainsi répondu et partagé les souhaits unanimement exprimés par les sénateurs et résumés par Agnès Canayer (LR, Seine-Maritime) en introduction du débat : «il faut se garder d’un big bang territorial, d’un jardin à la française [des compétences], (…) donner plus de flexibilité aux collectivité en matière d’expérimentation et de différenciation, (…) renforcer le principe de subsidiarité et les compétences règlementaires des collectivités, (…) leur redonner des marges de manœuvre [car] l’autonomie financière des collectivités est un sujet central ».
Remettre à plat l’exercice des compétences
L’évolution de la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités a polarisé une partie du débat. Le nouvel acte de décentralisation «ne doit pas seulement donner de nouvelles missions [aux collectivités] mais aussi des moyens et de la responsabilité, a estimé Daniel Fargeot (UC, Val-d’Oise). La décentralisation doit être un transfert de confiance [de la part de l’Etat] et non un transfert de charges » aux collectivités.
« Les élus locaux ne sont pas les commis ni les sous-traitants de l’Etat, a admis Françoise Gatel. Nous devons organiser le «qui fait quoi ? Le qui commande ? » alors que «l’Etat a, jusqu’à présent, souvent transféré aux collectivités l’exécution de certaines compétences » et moins leur exercice véritable, la ministre faisant notamment référence aux départements. La confiance entre l’Etat et les collectivités «passe par une définition claire des compétences, la contractualisation et l’instauration d’une clause de revoyure » sur leur exercice et les moyens donnés aux collectivités.
Selon elle, «l’Etat doit se détendre, cesser de vouloir être présent partout et se recentrer sur le régalien ». La ministre s’est déclarée partisane «d’un circuit court [de l’action publique] en appliquant le principe de subsidiarité». Ce dernier doit guider l’exercice des compétences actuelles et futures (la ministre n’a pas précisé lesquelles devant les sénateurs) des collectivités.
Au niveau local, la clarification des compétences passe aussi, selon Françoise Gatel, par «la désignation d’un chef de filât qui organise les choses » : la ministre a exclu la généralisation de la clause de compétence générale à tous les niveaux de collectivités (demandée par Céline Brulin, CRCE-K, Seine-Maritime) en estimant qu’elle doit uniquement demeurer à l’échelon communal «qui doit conserver une capacité d’intervention sur tous les champs ».
Simplifier l’action publique
Elus et gouvernement sont convenus de la nécessité d’alléger le poids des normes qui entravent l’action publique et pèsent sur les budgets locaux. La ministre a annoncé qu’elle va «proposer au Premier ministre, autour du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), un travail d’évaluation des normes existantes car il faut agir sur le stock pour restaurer la capacité d’action » des collectivités.
Répondant au souhait exprimé par plusieurs sénateurs de simplifier l’action publique et de renforcer la capacité d’expérimentation des collectivités, Françoise Gatel s’est déclarée favorable à ce que l’Etat confie «un pouvoir normatif aux élus » tout en soulignant que ce dernier devait être bien encadré car «il y a un enjeu de responsabilité des élus et de judiciarisation de l’action publique ». Elle a aussi rappelé que l’Etat a renforcé la capacité des préfets de département à déroger à la norme.
Finances : la réforme renvoyée à… plus tard
Pressée par les sénateurs de restaurer l’autonomie financière et fiscale des collectivités -cette dernière ayant été mise à mal par la suppression de la taxe d’habitation et celle de la CVAE, ont déploré plusieurs élus dénonçant, à l’instar d’Isabelle Briquet (SER, Haute-Vienne), «une nationalisation des recettes locales » -, Françoise Gatel a convenu de la «nécessité d’une réforme des finances locales » pour donner aux collectivités les moyens d’exercer leurs compétences.
« On ne peut pas se passer de dotations de l’Etat auxquelles il faut ajouter un levier fiscal », a-t-elle convenu. Mais elle a renvoyé ce chantier à plus tard en posant un préalable : «Nous devons d’abord redresser les finances publiques pour garantir le financement des services publics ».
Plusieurs élus lui ont fait remarquer l’impossibilité, selon eux, d’envisager un nouvel acte de décentralisation au moment où l’exécutif procède à de nouveaux prélèvements sur les budgets locaux l’an prochain. La ministre a botté en touche : «Cette décentralisation, nous la construirons ensemble (…) mais nous devons d’abord traverser le gué du déficit budgétaire ».
Françoise Gatel aura l’occasion d’échanger avec les élus locaux sur l’avenir de la décentralisation lors d’un forum organisé, le 20 novembre, dans le cadre du 107è congrès de l’AMF.
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