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Maires de France
Juridique
06/05/2024
Fonction publique Ressources humaines Santé Sécurité - sécurité civile

Protection des agents : le rôle de l'employeur public

Le maire employeur a une large responsabilité en matière de protection des agents face aux risques professionnels. État des lieux.

Par Fabienne Nedey
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© AdobeStock
Le maire doit prévenir les risques professionnels auxquels les agents sont exposés, en privilégiant la prévention. Comme le souligne le rapport du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) de février 2024 (lire ci-dessous), l’employeur public doit intégrer dans le fonctionnement de la collectivité, de façon transversale, une politique de santé et de sécurité au travail proactive. Elle permettra de réduire l’accidentologie, les maladies professionnelles, l’absentéisme, les coûts directs et indirects, et favorisera l’accomplissement par les agents de leurs missions de service public.


I - Responsabilité de l’employeur public

Le maire a la charge de veiller à la sécurité et la protection de la santé physique et mentale des agents placés sous son autorité, avec une obligation de résultats.

Un décret du 10 juin 1985, modifié plusieurs fois, fixe le cadre applicable à la fonction publique territoriale en matière de santé et de sécurité au travail, de médecine professionnelle et préventive. Il énonce notamment qu’une organisation de la prévention doit être mise en place dans chaque collectivité avec, a minima, la désignation d’un assistant-conseiller de prévention et d’un agent chargé de la fonction d’inspection (ACFI).

Ce dernier est souvent un agent mutualisé dans le cadre, par exemple, d’une convention avec le centre de gestion (CDG). Le même décret spécifie une série d’autres obligations applicables à toutes les collectivités, notamment celle d’une formation pratique et appropriée en matière de santé et de sécurité organisée pour les agents au poste de travail.

En matière de santé et de sécurité au travail, les juridictions recherchent l’existence ou non de la mise en œuvre des outils et obligations réglementaires mais, surtout, elles s’efforcent de mesurer leur efficacité sur le terrain et leur pertinence face aux situations professionnelles réelles. Par exemple, mettre à disposition un matériel de protection qu’il sait inutiliser ou sans accompagnement est susceptible d’engager la responsabilité du maire employeur en cas d’accident.


II - Les outils pour détecter, évaluer, traiter les situations à risque

Grâce au document unique d’évaluation des risques, aux registres santé et sécurité au travail, aux analyses d’accidents et aux rapports d’inspection ou de médecine préventive, le maire dispose de l’ensemble des informations nécessaires à l’élaboration d’un programme de prévention.

Le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP)
Un décret du 5 novembre 2001 impose d’inscrire l’évaluation des risques, qui constitue une obligation des employeurs (codifiée dans l’article L 4121-3 du Code du travail), dans un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) mis à jour.

L’existence de ce document a un caractère contraignant, malheureusement très insuffisamment respecté : moins de 40 % des collectivités ayant au moins un agent l’ont mis en place, selon la synthèse nationale des rapports au comité technique sur l’état des collectivités territoriales de 2019. Ceci fait peser un risque juridique conséquent sur le maire employeur défaillant, passible notamment de sanctions pénales.

Au-delà de son caractère obligatoire, la philosophie recherchée est de faire de ce document unique l’outil central d’une politique de santé et de sécurité au travail. Et ce, même pour une commune n’employant que quelques agents. Quelle que soit la structure en effet, trop souvent le DUERP, quand il existe, ne constitue pas la pierre angulaire de la politique de prévention qu’il a vocation à être.

La Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG) a élaboré une méthodologie pour élaborer ce DUERP et procéder à sa mise à jour. Elle met à disposition un guide d’élaboration, qui comprend notamment des fiches outils. Les centres de gestion peuvent accompagner les collectivités dans cette démarche.

Articulation entre le DUERP et les autres obligations
Le champ de la prévention des risques professionnels est large. À titre d’exemple, le guide de repérage des risques de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) présente 17 risques professionnels, dont les chutes de plain-pied, le travail en hauteur, les circulations de véhicules et d’engins, les effondrements et chutes d’objets, la manutention, la manipulation de produits toxiques et de déchets, l’incendie, le bruit, mais aussi les risques psycho-sociaux.

Le DUERP recense donc les risques professionnels auxquels sont exposés les agents et vise à mettre en place un plan d’action pour les maîtriser.

D’autres documents sont obligatoires, tels que le registre de santé et sécurité au travail (SST) qui doit être ouvert dans chaque service et mis à la disposition des agents, ainsi que le registre de signalement des dangers graves et imminents (DGI).

L’agent chargé de la fonction d’inspection (ACFI) établit un rapport à l’occasion de ses visites et interventions, dans lequel il consigne les constats réalisés et des préconisations. Adressé à l’autorité territoriale, il doit être diffusé à l’assistant-conseiller de prévention, au responsable des activités inspectées et porté à la connaissance des membres du comité social territorial (auparavant au CHSCT), qui est souvent géré par le centre de gestion pour les collectivités de moins de 50 agents. L’autorité territoriale doit faire part à l’ACFI des suites données à ses préconisations.

Attention : laisser perdurer une situation à risque détectée lors d’une inspection serait un facteur aggravant de responsabilité en cas d’accident lié à cette situation.

L’employeur public doit aussi tenir compte des obligations figurant dans le rapport annuel santé, sécurité, conditions de travail (RASSCT) et le rapport social unique (RSU).

Des outils optionnels
Au-delà de l’obligation règlementaire de prévention des risques professionnels, qui inclut les risques psycho-sociaux, un diagnostic spécifique sur les risques psycho-sociaux (RPS) peut être initié, par exemple, à la suite d’un événement spécifique ou lorsqu’il y a une volonté de travailler sur une problématique particulière (harcèlement moral, violences externes, dispositif d’alerte…).

Le cas échéant, le diagnostic des RPS et le plan d’action qui en découle doivent alors être accessibles, au même titre que le DUERP dont ils font partie.

La conduite d’une analyse des accidents de service et de travail est vivement recommandée. L’autorité territoriale est aussi tenue, a minima, d’informer le service de médecine préventive, l’assistant-conseiller de prévention et le CST de chaque accident de service.


III - Structurer et animer la politique de prévention

La collectivité a intérêt à se doter d’une organisation clairement définie et structurée regroupant les acteurs de la prévention des risques professionnels (autorité territoriale, assistant-conseiller de prévention, comité social territorial, agent chargé de la fonction d’inspection ou ACFI, encadrement, ressources humaines…) pour définir et piloter sa politique de prévention, voire sa démarche de management de la santé et de la sécurité au travail.

En travaillant sur ces sujets, il apparaît vite que l’organisation du travail est au cœur de la prévention des risques professionnels et que le management constitue une action de prévention au quotidien. La formation joue évidemment un rôle stratégique.

La démarche participative dans les modes d’organisation s’avère un levier déterminant sur ces questions. Par exemple, le constat a été fait que les agents portent plus facilement les équipements de protection individuelle (EPI) lorsqu’ils ont été associés aux choix du matériel de sécurité. L’autorité territoriale a d’ailleurs des obligations en matière d’EPI : choisir des équipements appropriés, les mettre à disposition des agents, les former à leur utilisation, s’assurer de leur entretien, remplacement et stockage convenable, procéder à la réalisation des vérifications périodiques, à leur port effectif…

La responsabilité du maire est de faire respecter la mise en œuvre des règles et des actions de prévention à tous les niveaux de l’encadrement et de contrôler le respect des règles de sécurité par les agents. Pour garantir la sécurité de tous, responsabilisation et sanctions sont les deux pans de son action.
 

Rapport du CSFPT sur le document unique

Le rapport du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) de février 2024 relate le travail conduit, en partenariat avec le CNFPT, pour procéder à un état des lieux de la mise en œuvre du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) dans les collectivités, à l’identification des difficultés rencontrées, à la réflexion prospective.

Des acteurs clés ont été auditionnés. Le rapport aboutit à une série de préconisations : mesures législatives et règlementaires, formalisme et contenu du document, communication et mobilisation, moyens humains et formation, mesures structurelles… Le CSFPT pointe la nécessité d’alléger les modalités d’élaboration du document.

 

 Les autres obligations de protection des agents
Protection fonctionnelle des agents publics
La collectivité est tenue de protéger ses personnels victimes d’un accident, faisant l’objet de poursuites judiciaires pour des faits ne relevant pas d’une faute personnelle détachable du service, subissant menaces, violences, agression dans le cadre de leurs fonctions. Elle accompagne l’agent dans ses démarches, prend en charge les frais de justice ou prestations médicales, indemnise le préjudice subi.

Protection sociale et assurance statutaire
Les collectivités assument la charge financière de la protection sociale des agents. Ce sont elles, et non la Sécurité sociale, qui les rémunèrent en cas d’accident du travail, de maladie, de congés maternité… Pour cela, elles contractent généralement une assurance statutaire. Plusieurs facteurs (absentéisme, pyramide des âges défavorable, etc.) provoquent une augmentation des cotisations pour une couverture du risque souvent moins bonne qu’avant. Parfois, la collectivité ne trouve pas d’assureur. Dans ce contexte, la prévention santé-sécurité au travail devient un critère d’assurabilité.

Réforme de la protection sociale complémentaire
Une ordonnance du 17 février 2021 contraint les employeurs publics à participer au financement d’une part de la complémentaire «prévoyance » (à compter du 1er janvier 2025) et «santé » (à partir du 1er janvier 2026) souscrite par leurs agents. Un accord national conclu entre employeurs territoriaux et organisations syndicales, le 11 juillet 2023, doit être transposé.

 

En savoir +
• Rapport sur le document unique d’évaluation des risques professionnels dans la fonction publique territoriale, CSFPT, 2024. www.csfpt.org (rubrique Documentation).
• Association nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), www.anact.fr
• Plateforme dédiée aux acteurs de la santé de la prévention et de la qualité de vie au travail : www.santetravail-fp.fr
• «Prévention dans la FPT : rôle et missions de l’élu employeur », guide de l’Association nationale des directeurs et directeurs-adjoints des centres de gestion de la fonction publique territoriale (ANDCDG, 2020) : www.andcdg.org (rubrique Guides).

 

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