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Maires de France
Juridique
03/02/2021
Environnement

Analyse - Loi ASAP : décryptage des principales mesures

La loi du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) est porteuse d'évolutions pour les collectivités. Par Fabienne NEDEY

L’ambition initiale de cette loi était de faciliter l’accès aux services publics, mais elle s’est vue adjoindre une multitude de dispositions de simplification des procédures, dans le but affiché d’accélérer la relance de l’économie. Des experts ont alerté sur certains volets dérégulateurs de cette loi, dénonçant notamment « un démantèlement » de la réglementation environnementale. Mais les principales dispositions incriminées ont été validées par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 3 décembre 2020.  

I - PROCÉDURES ENVIRONNEMENTALES ET PARTICIPATION DU PUBLIC
La loi introduit d’importants aménagements aux dispositions relatives aux procédures environnementales et aux enquêtes publiques, au nom de la relance des activités industrielles.
Changements réglementaires en cours d’instruction. La loi aménage les règles et prescriptions en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). L’article 34 « sécurise » les porteurs de projets face aux changements réglementaires intervenant pendant l’instruction du dossier. Si une norme environnementale nouvelle entre en vigueur après le dépôt d’un dossier de demande d’autorisation complet, l’instruction se poursuit selon le régime antérieur. L’installation, traitée comme un site industriel existant, sera soumise aux conditions de mise en conformité de ceux-ci. De plus, le principe jurisprudentiel de non-rétroactivité des normes constructives touchant au gros œuvre (murs coupe-feu, distances d’éloignement, etc.) est explicitement introduit : elles ne peuvent pas faire l’objet d’une application aux ICPE existantes et aux projets en cours d’instruction, sauf dans les rares cas où des directives européennes l’obligent, ou pour des motifs de santé, sécurité ou salubrité publiques. Une logique similaire est adoptée pour les prescriptions en matière d’archéologie préventive : c’est la norme en vigueur lors du dépôt du dossier qui s’appliquera (article 36).
Droit d’option sur la concertation préalable au titre du Code de l’urbanisme et du Code de l’environnement. L’article 39 permet au maître d’ouvrage, lorsqu’un projet doit faire l’objet d’une concertation obligatoire en partie au titre du Code de l’urbanisme et en partie au titre du Code de l’environnement, de soumettre (avec l’accord de l’autorité compétente en matière d’urbanisme), l’ensemble du projet à concertation préalable au titre du Code de l’environnement (qui vaudra alors concertation obligatoire au titre du Code de l’urbanisme).
Consultation du public par voie électronique. L’article 44 modifie les conditions de consultation du public sur certains projets ayant des incidences sur l’environnement. L’enquête publique n’est obligatoire que dans les cas listés à l’article L. 123-2 du Code de l’environnement. Pour les autres projets, le préfet est libre de recourir à une consultation du public par voie électronique. Cette disposition s’inscrit dans une tendance marquée depuis quelques années d’affaiblissement du champ de l’enquête publique au profit de la consultation dématérialisée. Ce n’est pourtant pas le même exercice et il ne s’adresse d’ailleurs, en pratique, pas au même public.
Gemapi : autorisation environnementale accélérée pour travaux urgents. L’article 48 prévoit une procédure allégée d’autorisation environnementale pour les opérations réalisées dans le cadre de l’exercice de la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations). Elle est circonscrite aux « situations d’urgence à caractère civil » et s’applique aux seuls travaux d’urgence absolument nécessaires pour la sécurité des personnes. Le même article 48 ouvre la possibilité, dans le cas d’un danger grave et immédiat, d’entreprendre des travaux de façon anticipée sans que soient présentées les demandes d’autorisation ou les déclarations auxquelles ils sont en principe soumis au titre de la loi sur l’eau, sous réserve que le préfet en soit immédiatement informé.
Exécution anticipée de travaux avant délivrance de l’autorisation environnementale. L’article 56 permet, sur décision spéciale motivée du préfet, et lorsque le public en a été informé, de débuter certains travaux de construction, aux frais et risques du demandeur, sans attendre l’autorisation environnementale, dès lors que le permis de construire a été délivré et la consultation du public achevée, et sous réserve que ces travaux ne nécessitent pas d’autorisation spécifique (dérogation aux espèces protégées, zones natura 2000, défrichement, etc.). Cette possibilité offerte au préfet est strictement encadrée, ce qui a conduit le Conseil constitutionnel à écarter les griefs réclamant sa suppression, en précisant que «le législateur a défini une procédure entourée de garanties adaptées ».
Évaluation environnementale des documents d’urbanisme. Dans le cadre d’une mise en conformité avec le droit européen, les plans locaux d’urbanisme (PLU) intègrent la liste des plans et programmes soumis à évaluation environnementale. De plus, la loi étend le champ de la concertation obligatoire à toutes les procédures PLU, SCOT et cartes communales qui nécessitent une évaluation.

II - COMMANDE PUBLIQUE
Toujours dans l’objectif de reprise de l’activité et de soutien aux opérateurs économiques, des mesures ont été prises en matière de droit de la commande publique.
Relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés de travaux. L’article 142 rehausse, jusqu’au 31 décembre 2022, à 100 000 € HT le seuil en dessous duquel les marchés de travaux sont dispensés de publicité et de mise en concurrence. Objectif : encourager la reprise rapide dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, particulièrement exposé et affecté par la crise. Le Conseil constitutionnel a rappelé que cette dispense n’exonère pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics. Pour éviter toute déconvenue, il est conseillé de faire, a minima, un mini cahier des charges comprenant l’objectif du marché, les attendus, les délais, qui pourra servir d’appui, en cas de non-exécution ou d’exécution incomplète, à la mise en jeu d’une faute contractuelle.
Dispense de procédures justifiées par un motif d’intérêt général. L’article 131 autorise le recours à des mesures dérogeant aux règles de passation et d’exécution des marchés publics en complétant, au sein des articles L.2122-1 et L.2322-1 du Code de la commande publique, la liste des hypothèses justifiant que certains marchés puissent être conclus sans publicité ni mise en concurrence préalables. Jusque-là, ces hypothèses se limitaient aux situations dans lesquelles, notamment en raison de l’infructuosité d’une première procédure, d’une urgence particulière, de l’objet ou de la valeur estimée du marché, le respect d’une procédure avec publicité et mise en concurrence était inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur. Désormais, s’ajoute le cas où le respect d’une telle procédure « serait manifestement contraire à un motif d’intérêt général ». Là encore, ce nouveau cadre introduit par la loi est à appréhender avec prudence. La fiche technique rédigée par la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances précise bien qu’il ne s’agit en aucun cas d’autoriser les acheteurs à déroger aux procédures en fonction de leur propre appréciation de l’intérêt général. Un décret définira les situations et les marchés pouvant être concernés par ce nouveau cas de dispense et en cadrera précisément les conditions de mise en œuvre.
Création d’un dispositif de « circonstances exceptionnelles ». L’article 132 de la loi insère dans le Code de la commande publique deux nouveaux livres, l’un pour les marchés, l’autre pour les concessions, qui s’inspirent du dispositif mis en place pendant l’état d’urgence sanitaire par l’ordonnance du 25 mars 2020. Ce dispositif pourra être mis en œuvre par décret afin de déroger exceptionnellement aux règles des marchés publics et contrats de concessions en cas de survenance de « circonstances exceptionnelles » (lire ci-dessous). Les mesures édictées par le décret ne pourront être utilisées par les acheteurs et autorités concédantes que dans la mesure où elles seront nécessaires pour répondre à des difficultés directement liées à ces circonstances exceptionnelles. La durée maximale d’application de ces mesures ne peut excéder 24 mois. La prorogation du dispositif, au-delà de cette durée, devra être autorisée par la loi.

Commissions supprimées
La loi ASAP poursuit le mouvement, déjà engagé, de rationalisation de commissions administratives. Les articles 1 à 24 procèdent à la suppression de toute une série d’instances (Commission centrale des évaluations foncières, Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État en Outre-mer, etc.), tandis que d’autres sont fusionnées. À noter que la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires, qui figurait sur la liste initiale des commissions à supprimer au motif qu’elle ne s’était jamais réunie, a échappé à ce sort funeste. À l’heure où s’amorce le démantèlement de la centrale de Fessenheim, cette commission a été maintenue, non sans mal. 

 

Achat public : s’adapter aux « circonstances exceptionnelles  »
Le décret devrait permettre aux acheteurs et autorités concédantes :
• d’aménager les modalités pratiques de la consultation, sans modifier les conditions de mise en concurrence ­initiale ni méconnaître le principe ­d’égalité de traitement,
• de prolonger par avenant les contrats arrivant à échéance pendant la période de circonstances exceptionnelles, pour lesquels l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre. Pour les accords-cadres, cette prolongation peut s’étendre au-delà de la durée prévue à l’art. L.2125-1 du CMP, sans que cette prolongation soit contraire aux directives européennes (directives 2014/24 et 2014/25 ; directive 2009/81). Les contrats de concession dans le domaine de l’eau potable, des ordures ménagères et autres déchets peuvent être prolongés au-delà de la durée de 20 ans fixées à l’art. L.3114-8 du CMP sans nécessité de solliciter l’examen préalable du directeur départemental des finances publiques,
• de proroger, de façon proportionnée, le délai d’exécution des marchés et concessions lorsque l’exécution des ­prestations en temps et en heure occasionnerait pour le titulaire du contrat une charge manifestement excessive,  
• quelles que soient les clauses du contrat, les entreprises ne pourront être sanctionnées en cas de difficulté d’exécution liées aux circonstances exceptionnelles, que ce soit sur la base de pénalités prévues par le contrat ou de leur responsabilité contractuelle.
Références
• Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (JO du 8 décembre 2020, NOR : ECOX1935404L).
• Décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 du Conseil constitutionnel.

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°387 - FEVRIER 2021
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