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11/10/2022
AMF Energie

Énergie : que faire face à l'explosion des coûts ?

Réduire la consommation ne suffira pas pour alléger la facture. Les élus demandent la mise en place d'un bouclier tarifaire.

Par Martine Kis
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© AdobeStock
Souvent chauffées au gaz, les piscines coûtent cher aux collectivités. Réduire les plages horaires, fermer un jour par semaine..., des mesures insuffisantes pour limiter leur déficit.
Y aura-t-il des illuminations de Noël ? Faut-il les sacrifier ou les maintenir ? En pleine flambée du prix de l’énergie dont les élus mesurent chaque jour davantage le coût budgétaire, la question n’est pas anecdotique. Elle est la partie la plus visible de décisions à prendre par les collectivités. Et les petites communes, aux marges de manœuvre financières les plus réduites, sont confrontées à des choix difficiles. Les élus doivent résoudre une équation complexe : réduire la consommation des services et bâtiments municipaux pour maîtriser la facture, tout en maintenant un service public de qualité, notamment dans les équipements sportifs (lire ci-dessous) et culturels.

Premier poste de réduction évoqué par les élus : l’extinction de l’éclairage public. Le sujet n’est pas neuf, mais même les maires les plus réticents s’y résolvent. Ceux qui, déjà, éteignaient une partie de la nuit, allongent les plages horaires en fonction des usages. Dominique Ramard, maire de Saint-Juvat (650 hab., Côtes-d’Armor), privilégie la sécurité routière : «Nous allumons un quart d’heure avant le départ du premier bus de ramassage scolaire et éteignons une demi-heure après la fermeture du dernier commerce. »
 

Sensibilisation des usagers

Michel Maya, maire de Tramayes (1 000 hab., Saône-et-Loire), met l’accent sur l’isolation des bâtiments ainsi que sur la limitation de la température à 19°. Celle-ci pourra même être pilotée à distance dans la nouvelle école. Et, s’il le faut, «on gardera un pull », anticipe l’élu. La commune, qui a réussi à avoir un contrat sur six ans avec Enercoop, et donc des prix garantis encore quelques années, n’entend pas gaspiller l’énergie et vise l’autonomie énergétique.

Beaujeu (2 100 hab., Rhône) réduit son éclairage mais aussi l’illumination des monuments. Un test avant la réduction a permis de constater que couper l’illumination du viaduc éteignait l’éclairage d’une rue. «Il faut découpler les deux », explique le maire, Sylvain Sotton, qui met en place un éclairage intelligent déclenché par le passage d’une voiture. «Le coût de l’investissement est couvert par les économies », précise-t-il.

La rénovation énergétique est une autre priorité des élus mais la situation est parfois complexe. Ainsi, le bâtiment scolaire de Quingey (1 450 hab., Doubs) n’était toujours pas isolé, certaines communes du regroupement pédagogique étant sans ressources. L’inclusion dans le dispositif «Petites villes de demain », la démonstration que l’isolation de la médiathèque a permis des économies considérables, a convaincu les communes réticentes.

Éclairage public, isolation, sensibilisation aux gestes d’économie d’énergie des usagers des bâtiments publics… «Si nous ne faisons pas tout, nous n’aurons plus d’autofinancement et ne pourrons même plus investir dans l’isolation. Il faut expliquer qu’il n’y a pas de petits gestes », dit la maire de Quingey, Sarah Faivre, qui se demande comment communiquer : avec autorité ? Humour ? Menace de sanction ? Dans le domaine des déchets, la redevance incitative a été «magique », constate-t-elle.

À Saint-Juvat, les utilisateurs des locaux communaux savent combien ils consomment et pour quel prix. Le chauffage doit être relancé régulièrement avec un bouton poussoir, ce qui évite d’oublier de le fermer. L’école tente de combiner bonne aération et maîtrise du chauffage, coupé lorsqu’elle est inutilisée.
 

Préserver le service public

Et les illuminations de Noël ? «Nous sommes partis pour réduire l’éclairage », soupire Sarah Faivre. Comme les autres élus, elle vit un dilemme. Maintenir les illuminations pour garder l’esprit de la fête, les supprimer ou les réduire, par souci d’exemplarité. Certains élus préparent des plans d’urgence gradués.

À Beaujeu, Sylvain Sotton anticipe «une grosse crise ». Pour éviter un arrêt total des activités, il prévoit, si nécessaire, de fermer salles de réunion et de sport, de transférer l’école de musique dans des locaux mieux isolés, de regrouper le plus d’activités possibles dans la mairie. «Si les prix de l’énergie sont multipliés par deux ou trois, nous serons en faillite et il n’y aura plus d’investissement, résume-t-il. On gardera l’école et la mairie ouverte. J’y prépare la population. » Cette dernière aura-t-elle son mot à dire ? «Ce n’est pas le temps de l’arbitrage participatif. En attendant des mesures du gouvernement, nous élaborons notre plan stratégique pour ne pas être pris au dépourvu. Sinon, c’est la catastrophe budgétaire », explique l’élu.

Le gouvernement peut-il se contenter de demander des économies d’énergie aux collectivités sans tenir compte de leurs missions ? Non, répondent les associations d’élus, qui jugent trop limitée l’enveloppe débloquée par l’État dans le cadre du collectif budgétaire pour 2022.

L’AMF rappelle que les communes ne sont pas des «consommatrices ordinaires » puisqu’elles sont chargées de l’accueil de publics particuliers (crèches, écoles, cantines, piscines…). C’est pour éviter fermetures et catastrophe financière que les élus attendent des mesures fortes de la part de l’État.

Dès fin 2021, avant la guerre en Ukraine, l’AMF l’alertait sur «les augmentations faramineuses du prix de l’énergie ». Et lui demande aujourd’hui de permettre l’accès des communes et EPCI à un tarif réglementé (lire ci-dessous).

Dans l’Oise, 200 maires, menés par Christophe Dietrich, maire de Laigneville, ont saisi, mi-septembre, la Première ministre, Élisabeth Borne, pour lui demander de mettre en place un bouclier financier pour amortir la facture énergétique. Christophe Bouillon, maire de Barentin (76) et président de l’Association des petites villes de France (APVF), redoute un «black-out territorial », autrement dit une «fermeture massive des équipements et services publics » et demande aussi au gouvernement la mise en place d’un «fonds énergie ».

La cheffe du gouvernement a en partie répondu à ces interpellations en annonçant, le 14 septembre, la prolongation, en 2023, du bouclier tarifaire pour «les plus petites communes », limitant la hausse de prix à 15 % pour l’électricité et le gaz. Comme le relève Maire Info du 16 septembre, cette limitation ne s’applique qu’au tarif réglementé de vente (TRV). Et seules les communes de moins de 10 agents et ayant des recettes inférieures à 2 millions d’euros en bénéficient pour l’électricité. Tandis que toutes les communes n’y ont plus droit pour le gaz… Le bouclier tarifaire prolongé par l’État sera donc loin de toutes les protéger. En particulier, celles qui supportent des charges de centralité. C’est pourquoi, logiquement, l’AMF demande l’accès au TRV de toutes les communes et intercommunalités pour le gaz comme pour l’électricité.

 

Piscines : menace sur l'apprentissage de la natation ?
En septembre, la fermeture sans préavis d’une trentaine de piscines gérées par la société Vert Marine, au mépris de ses obligations contractuelles, a choqué les élus. Le délégataire justifiait sa décision par l’explosion des coûts de l’énergie. Les équipements concernés ont depuis rouvert mais une solution pérenne doit être trouvée avec les collectivités délégantes. Avec un coût de l’énergie passé de 20 % à parfois 100 % du budget de fonctionnement, comment réagir, que l’on soit en régie ou en délégation ? En baissant la température de l’eau des bassins et des douches, en réduisant les plages horaires, en fermant un jour par semaine, un mois par an… Des solutions insuffisantes pour limiter l’aggravation du déficit. Et insatisfaisantes pour les usagers. Dans un contexte sensible : avec le plan «Aisance aquatique », le «savoir-nager » est un objectif national. Comme le rappelle David Lazarus, maire de Chambly (60) et co-président du groupe de travail sport de l’AMF, «on meurt de ne pas savoir nager », ce qui rend impératif l’ouverture des piscines. Il demande donc au gouvernement un «accompagnement dédié » à ces équipements, via un «bouclier tarifaire » pour les gestionnaires publics et privés.

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°405 - OCTOBRE 2022
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