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15/09/2022 - SEPTEMBRE 2022 n°404
Entretien

Christophe Bouillon, président de l'Association des petites villes de France, maire de Barentin (76) : « Il y a un risque de black-out territorial. »

En ouverture des XXIVe Assises de l'Association des petites villes de France (APVF), qui se tiennent les 15 et 16 septembre, à Dinan (22), son président a estimé que le risque de fermeture des services publics est avéré compte tenu des surcoûts de fonctionnement liés à l'explosion des coûts énergétiques. Il demande au gouvernement de créer un « fonds énergie ».

Par Xavier Brivet
Christophe Bouillon, maire de Barentin (76), lors de son élection à la tête de l'Association des petites villes de France, le 15 septembre 2022, à Dinan (22).
© Xavier Brivet
Christophe Bouillon, maire de Barentin (76), lors de son élection à la tête de l'Association des petites villes de France, le 15 septembre 2022, à Dinan (22).

 

Vous redoutez un «  black-out territorial ». Qu’est-ce à dire ?

L’APVF a été lanceur d’alerte en interpellant le gouvernement sur la hausse des coûts de l’énergie, bien avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Depuis, la situation a largement empiré. Des élus doivent prendre des décisions douloureuses, c’est-à-dire fermer des piscines, des bibliothèques, des musées car la collectivité ne peut plus faire face à l’inflation des coûts de fonctionnement consécutive à l’explosion des prix.

Les régies, comme les délégataires, sont confrontés à la même situation, même si je désapprouve la brutalité avec laquelle Vert Marine a procédé à la fermeture des équipements dont elle a la gestion. Les coûts vont continuer d’augmenter. Il y a donc un risque, proche, de black-out territorial, autrement dit de fermeture massive des équipements et services publics. Je ne suis pas sûr que le gouvernement ait pris la mesure de cette réalité.
 

Le collectif budgétaire comporte pourtant des mesures en faveur des communes en situation tendue…

Elles ont le mérite d’exister pour les communes fragilisées à la fois par l’explosion du prix de l’énergie et la revalorisation du point d’indice. Mais elles sont insuffisantes, tout comme les mesures annoncées par la Première ministre en faveur des très petites communes. Nous demandons donc la création d’un «fonds énergie » pour aider l’ensemble des collectivités à passer le choc, comme il l’a fait pour les ménages et les entreprises. Car actuellement, toutes les communes sont potentiellement fragiles.

Il y a urgence, l’État doit mettre le paquet. Beaucoup de maires ne savent plus quoi faire face à l’inflation galopante. Ce n’est pas la réduction de l’amplitude horaire d’une médiathèque ou la baisse de température d’une piscine qui suffiront à résoudre le problème. Les élus ne peuvent pas non plus augmenter fortement les impôts. Donc, la fermeture de l’équipement est actuellement la seule solution de court terme. Or, fermer un service public est tout sauf anodin pour le maire d’une petite ville-centre ou d’une ville moyenne compte tenu de leur rôle de centralité pour les communes environnantes. C’est contre nature !
 

La création d’un «  fonds vert » doté de 1,5 milliard d’euros ne semble pas susciter votre enthousiasme. Pourquoi ?

Soyons clairs : la création de ce fonds pour accélérer la transition énergétique qui, à terme, permettra d’économiser l’énergie, est une bonne nouvelle car le gouvernement confirme qu’il s’agira d’argent frais. Mais nous attendons impatiemment le mode d’emploi de la répartition des crédits car les élus préparent actuellement leur budget pour 2023. C’est en ce moment qu’ils décident quels investissements ils souhaitent engager, quels travaux de rénovation ils vont prioriser. Le gouvernement doit accélérer ! Le fonds vert doit être fléché vers les territoires qui n’ont pas pu bénéficier du volet transition du plan de relance.
 

Dans le contexte actuel, souhaitez-vous une indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation ?

Il faut mettre le sujet sur la table dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2023. Vu le niveau de l’inflation, j’y suis favorable. Il y a depuis plusieurs années une relative stabilisation de la DGF, mais cela ne suffit plus. La Cour des comptes a livré récemment une photographie rassurante de la situation financière des collectivités. Mais c’est une photographie à un moment donné. Ce n’est pas le film. Le film actuel, ce sont des petites villes qui rencontrent de grandes difficultés et dont les élus ont un sentiment d’abandon.

Je tire également la sonnette d’alarme s’agissant de la fiscalité locale : le gouvernement a confirmé la suppression, en deux ans, de la CVAE, après avoir supprimé la TH. Attention de ne pas couper définitivement le lien entre le contribuable local (particulier et entreprises) et la collectivité qui, jusqu’à présent, finançait les services publics et l’aménagement des infrastructures industrielles et tertiaires par le produit de l’impôt local. Cela pourrait décourager les élus de s’investir, notamment dans le développement économique local. Et cela nuit au partage de l’intérêt général.
 

Dans votre discours d’ouverture des Assises de l’APVF, vous vous êtes prononcé en faveur du recours à la régulation pour résoudre les problèmes de désertification médicale et garantir la permanence des soins. Pourquoi ?

Parce que les maires ont le sentiment d’avoir tout essayé pour résoudre le problème ! Ils ont créé des maisons de santé pluridisciplinaires, favorisé l’accueil des étudiants et l’implantation des praticiens, passé des petites annonces pour les recruter…, en vain. Il faut recourir à la régulation pour garantir la permanence des soins et sauver l’hôpital public. Régulation ne veut pas dire coercition. Il faut la définir intelligemment et de façon temporaire. Il ne faut pas confondre le fait de s’installer et celui d’exercer. On peut s’installer en milieu urbain et exercer dans un territoire rural.

Notre objectif n’est pas de remettre en cause la liberté d’installation. Nous disons qu’il faut discuter avec les médecins pour garantir une couverture satisfaisante du territoire, par le biais de convention. Est-il normal que plus de 6 millions de Français ne puissent avoir de médecin traitant ?
 

Vous souhaitez «  aller plus loin » en matière de décentralisation. Que souhaitez-vous précisément ?

Il faut définitivement clarifier la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités et leurs groupements. Mais pas «vu d’en haut ». Il faut partir de la volonté des acteurs locaux en privilégiant le principe de subsidiarité.

Le chef de l’État a installé un Conseil national de la refondation. Nous pourrions, comme le suggère le président de l’Assemblée des départements de France (ADF), François Sauvadet, créer un «Conseil national de la décentralisation». Parallèlement, l’État doit clarifier et adapter la déconcentration de ses services pour que nous ayons ainsi une armature territoriale cohérente.  

 

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