Eau. Comment préserver la ressource
L'état actuel des réserves d'eau laisse présager le pire pour cet été. Les acteurs locaux se mobilisent pour réduire le risque.

« Chacun doit faire un effort et si cela ne suffit pas, nous devrons prendre des mesures sévères », prévient-il. Aucun territoire n’est épargné. Avec des conséquences immédiates : en Ardèche, la préfecture a suspendu ou réduit la délivrance de permis de construire dans plusieurs communes. Une mesure temporaire qui «vise à faire réagir les collectivités afin qu’elles sécurisent leur ressource en eau », précise le préfet.
Dans le Var ou l’Hérault, des maires ont pris eux-mêmes la décision de geler les autorisations d’urbanisme. Dans les Pyrénées-Orientales, depuis le 14 avril, quatre communes sont privées d’eau potable car leur forage a atteint un niveau trop bas à cause de la sécheresse. Face à cette situation de plus en plus prégnante, la présidente du département, Hermeline Malherbe, a appelé le chef de l’État, le 25 avril, à créer un fonds de solidarité (lire aussi Maire info du 11 mai 2023).
Pour sortir de l’impasse, les collectivités se mobilisent sur plusieurs chantiers.

. Syndicat des eaux de Beaufort
(35 – 60 000 habitants). Traquer les fuites
« 102 jours gagnés sur la sécheresse en dix ans », annonce fièrement Jean-Francis Richeux, président du Syndicat des eaux de Beaufort et maire de Saint-Père-Marc-en-Poulet. Les efforts réalisés par ce syndicat d’Ille-et-Vilaine payent.
Grâce à une sectorisation très fine de son réseau d’eau et à de véritables enquêtes pour traquer les pertes, le rendement atteint aujourd’hui 91 % : les m3 perdus ont chuté de 1,5 million à 300 000. «On a frôlé la rupture d’alimentation en 2012, ça nous a servi de leçon », explique-t-il. Ces résultats ont valu au syndicat d’être lauréat du trophée du Club des économies d’eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) en 2021.
La stratégie est aussi d’emporter l’adhésion des abonnés, en visant une forte réduction de leurs consommations (de 1 à 1,5 million de m3). Le syndicat multiplie les outils mis à disposition et challenge les habitants sur les éco-gestes. La population joue le jeu, a fortiori en période de stress hydrique.
En 2022, entre le 14 juillet (passage en alerte sécheresse) et le 15 août, la consommation d’eau a chuté de 20 %. Le syndicat se lance maintenant dans le pilotage très fin de la pression et du débit résiduel dans les réseaux, en période de crise, pour éviter, après remise en service, des purges gaspillant énormément d’eau.
En savoir + : www.eaux-beaufort.fr
. Roannaise de l’eau (42 et 69 – 150 000 habitants desservis). Remonter le niveau des barrages
Début avril, le préfet de la Loire a autorisé Roannaise de l’eau, syndicat exerçant l’intégralité des compétences du cycle de l’eau (eau potable, assainissement, eaux pluviales et Gemapi), à déroger au débit de restitution à la rivière Renaison, afin de reconstituer la ressource avant l’été.
Le débit de restitution est le volume minimal obligatoire d’eau que les barrages doivent redonner à la rivière pour maintenir le fonctionnement des écosystèmes et les usages de l’eau. Les barrages ne s’étant pas remplis durant l’hiver (à 51 % en janvier, niveau le plus bas jamais enregistré à cette date, à 62 % début mars) et les pluies ne semblant pas s’annoncer, le syndicat a sollicité une dérogation à ce débit de restitution.
Un gros travail a préalablement été mené avec les pêcheurs et les associations de protection de l’environnement pour définir ensemble un seuil de sécurité n’impactant pas le milieu (estimé à 125 litres libérés par seconde, alors que le seuil normal est de 300). Une dérogation préfectorale a été délivrée en mars sur cette base. En un mois, le remplissage des barrages est monté à 71 %.
La dérogation a été renouvelée pour avril, assortie d’une contrainte : les 29 communes desservies en eau potable par les barrages devaient prendre des arrêtés limitant les usages de l’eau (arrosage des potagers de nuit, pas d’arrosage de fleurs ou pelouses, restriction sur le lavage de voitures et le remplissage de piscines…).
« Les communes sont impactées pour la première fois avant la période sèche, ce qui est difficile à accepter, reconnaît Frédéric Mejassol, directeur général des services du syndicat. Mais elles prennent conscience qu’un travail est à mener sur leurs pratiques (plantations, arrosage de stades, etc.) et pour accompagner la population vers la sobriété. Le fait que le syndicat, compétent en eau potable, soit aussi autorité Gemapi a sûrement joué dans l’obtention de la dérogation car il est capable d’appréhender en même temps les enjeux de l’alimentation en eau potable et ceux des milieux. »
En savoir + : www.roannaise-de-leau.fr
. Cisalb lac du bourget (73 – 220 000 habitants). Agir à l’échelle d’un bassin versant
Le Comité intercommunautaire pour l’assainissement du lac du Bourget (Cisalb) est la structure porteuse d’un plan de gestion de la ressource en eau adopté en 2016. Il définit, en concertation avec tous les acteurs du bassin versant, les modalités du partage de l’eau et de l’adaptation des prélèvements pour un retour à l’équilibre entre ressources et besoins.
Une batterie d’actions a été déployée, en sept ans, pour résorber les déficits, mobiliser les gisements d’économies, identifier des ressources de substitution. Avec, notamment, la mise en place de débits réservés à l’aval des captages.
Des investissements lourds sont consentis par Chambéry Métropole (11 M€) et la communauté d’agglomération Grand Lac (3,5 M€), avec le soutien de l’agence de l’eau, pour compenser les prélèvements qui ne se font plus aux sources : réaménagement de captages, hausse des débits prélevés dans la nappe, création de réservoirs, interconnexions de réseaux, dispositifs de pompage pour secourir des hameaux en remontant l’eau du lac.
Ces EPCI se mobilisent en outre pour lutter contre les fuites sur leurs réseaux. Un dispositif «Eau-Climat : on agit ! », lancé en 2022, engage les communes dans une gestion vertueuse de l’eau (suivi des consommations, adaptation des espaces verts, désimperméabilisation des sols… ) et a fait l’objet d’une très forte adhésion. Le Cisalb établit cette année le bilan du plan de gestion de la ressource en eau. En 2024, une concertation s’engagera pour en élaborer le prochain chapitre.
En savoir + : www.cisalb.fr

François Sauvadet, président
de l’Assemblée des départements de France
« Élaborer des schémas départementaux
de l’eau »
Il ne s’agit pas d’une nouvelle compétence ni de substituer le département aux autres collectivités en matière de distribution d’eau potable : c’est une réponse pratique aux défis d’une utilisation sobre et raisonnée des ressources en eau. Le chef de l’État a compris qu’en levant les verrous administratifs et en misant sur l’intelligence territoriale, selon son expression, il permet aux départements de piloter des projets de réfection et d’interconnexion des réseaux pour éviter que des communes se retrouvent à sec. »
• Les 53 mesures du «Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau », présenté le 30 mars 2023 par le gouvernement.
• Rapport sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse de 2022 (mars 2023).
Lire l’article de Maires de France :
Suivez Maires de France sur Twitter: @Maires_deFrance
Cet article a été publié dans l'édition :
- Le maire et la lutte contre l'habitat indigne
- Investissement. Une nouvelle gestion des aides de l'État s'impose
- ZAN : des mesures pour améliorer la réforme
- Incendie : l'État ne veut pas modifier la loi
- Prévention des feux de forêt : la proposition de loi du Sénat
- Catastrophe naturelle : proposition de loi pour mieux indemniser les particuliers
- Squats : protéger les logements contre l'occupation illicite
- L'Union européenne finance aussi le sport
- " Europe direct " : informer les élus locaux
- Programme Leader : formation en ligne
- Anticiper les crises : le Comité des régions se mobilise
- L'Île-de-France au top de l'attractivité
- Énergies renouvelables. Les élus se mobilisent
- En Ille-et-Vilaine, la réussite scolaire compte
- Jeunesse : la communauté de communes de l'Orée de la Brie (77) a signé une convention territoriale globale
- Données financières : réaliser une cartographie
- Élus locaux : déclaration des indemnités de fonction
- Dotation globale de fonctionnement : guide pratique
- EPCI : comment remplacer un élu issu d'une commune de moins de 1 000 habitants ?
- École. Les solutions pour la préserver
- Eau. Comment préserver la ressource
- Inclure la santé mentale dans un contrat local de santé
- Il expérimente le temps médical partagé
- Régler un problème ponctuel de sécurité publique
- Fonds vert : fonctionnement et modalités de candidature
- Équipements sportifs. Innover sans se ruiner
- Trottinettes : bientôt de nouvelles règles
- Mise en place des référents déontologues au 1er juin
- Formation des élus : report intégral des droits
- Légalité d'un acte : utiliser le " rescrit "
- Pesticides : distances d'épandage
- « Dark stores, dark kitchens » : un statut clarifié
- Éclairage public : la responsabilité du maire peut-elle être engagée en cas d'extinction ?
- Révision du décret pour les bâtiments tertiaires
- Communications opérationnelles de sécurité et de secours : création d'une agence
- Gestion. Le tiers financement pour favoriser la rénovation énergétique des bâtiments publics
- Sapeurs-pompiers. Promotions pour actes de bravoure : les règles évoluent
- Grève : doit-il y avoir un service minimum dans les services publics locaux ?
- Le maire peut-il utiliser une voiture de service à des fins personnelles ?
- Gestion des risques majeurs. Se former pour mieux faire face
- Les modalités de remplacement des élus
- Le maire et la cinéaste
Maires de France est le magazine de référence des maires et élus locaux. Chaque mois, il vous permet de décrypter l'actualité, de partager vos solutions de gestion et vous accompagne dans l'exercice de votre mandat. Son site Internet, mairesdefrance.com, vous permet d’accéder à toute l'information dont vous avez besoin, où vous voulez, quand vous voulez et sur le support de votre choix (ordinateur, tablette, smartphone, ...).