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Maires de France
Solutions locales
mai 2023
AMF Environnement Vie locale

Eau. Comment préserver la ressource

L'état actuel des réserves d'eau laisse présager le pire pour cet été. Les acteurs locaux se mobilisent pour réduire le risque.

Par Fabienne Nedey
Illustration
© Syndicat des eaux de Beaufort
Le Syndicat des eaux de Beaufort (35) a organisé, le 3 février 2023, une exposition pour expliquer à des collégiens comment économiser l'eau.
La période est critique au plan hydrique. En Occitanie, par exemple, les retenues destinées au soutien d’étiage sont remplies à 46 %, contre 80 % en 2022 à la même époque. Le préfet de région en appelle au civisme des citoyens, leur demandant le même effort que cet hiver pour l’électricité, et adresse un avertissement aux acteurs du monde agricole, de l’industrie, du tertiaire et aux collectivités.

« Chacun doit faire un effort et si cela ne suffit pas, nous devrons prendre des mesures sévères », prévient-il. Aucun territoire n’est épargné. Avec des conséquences immédiates : en Ardèche, la préfecture a suspendu ou réduit la délivrance de permis de construire dans plusieurs communes. Une mesure temporaire qui «vise à faire réagir les collectivités afin qu’elles sécurisent leur ressource en eau », précise le préfet.

Dans le Var ou l’Hérault, des maires ont pris eux-mêmes la décision de geler les autorisations d’urbanisme. Dans les Pyrénées-Orientales, depuis le 14 avril, quatre communes sont privées d’eau potable car leur forage a atteint un niveau trop bas à cause de la sécheresse. Face à cette situation de plus en plus prégnante, la présidente du département, Hermeline Malherbe, a appelé le chef de l’État, le 25 avril, à créer un fonds de solidarité (lire aussi Maire info du 11 mai 2023).

Pour sortir de l’impasse, les collectivités se mobilisent sur plusieurs chantiers.
 

. Syndicat des eaux de Beaufort
(35 – 60 000 habitants). Traquer les fuites

« 102 jours gagnés sur la sécheresse en dix ans », annonce fièrement Jean-Francis Richeux, président du Syndicat des eaux de Beaufort et maire de Saint-Père-Marc-en-Poulet. Les efforts réalisés par ce syndicat d’Ille-et-Vilaine payent.

Grâce à une sectorisation très fine de son réseau d’eau et à de véritables enquêtes pour traquer les pertes, le rendement atteint aujourd’hui 91 % : les m3 perdus ont chuté de 1,5 million à 300 000. «On a frôlé la rupture d’alimentation en 2012, ça nous a servi de leçon », explique-t-il. Ces résultats ont valu au syndicat d’être lauréat du trophée du Club des économies d’eau de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) en 2021.

La stratégie est aussi d’emporter l’adhésion des abonnés, en visant une forte réduction de leurs consommations (de 1 à 1,5 million de m3). Le syndicat multiplie les outils mis à disposition et challenge les habitants sur les éco-gestes. La population joue le jeu, a fortiori en période de stress hydrique.

En 2022, entre le 14 juillet (passage en alerte sécheresse) et le 15 août, la consommation d’eau a chuté de 20 %. Le syndicat se lance maintenant dans le pilotage très fin de la pression et du débit résiduel dans les réseaux, en période de crise, pour éviter, après remise en service, des purges gaspillant énormément d’eau.

En savoir + : www.eaux-beaufort.fr
 

. Roannaise de l’eau (42 et 69 – 150 000 habitants desservis). Remonter le niveau des barrages

Début avril, le préfet de la Loire a autorisé Roannaise de l’eau, syndicat exerçant l’intégralité des compétences du cycle de l’eau (eau potable, assainissement, eaux pluviales et Gemapi), à déroger au débit de restitution à la rivière Renaison, afin de reconstituer la ressource avant l’été.

Le débit de restitution est le volume minimal obligatoire d’eau que les barrages doivent redonner à la rivière pour maintenir le fonctionnement des écosystèmes et les usages de l’eau. Les barrages ne s’étant pas remplis durant l’hiver (à 51 % en janvier, niveau le plus bas jamais enregistré à cette date, à 62 % début mars) et les pluies ne semblant pas s’annoncer, le syndicat a sollicité une dérogation à ce débit de restitution.

Un gros travail a préalablement été mené avec les pêcheurs et les associations de protection de l’environnement pour définir ensemble un seuil de sécurité n’impactant pas le milieu (estimé à 125 litres libérés par seconde, alors que le seuil normal est de 300). Une dérogation préfectorale a été délivrée en mars sur cette base. En un mois, le remplissage des barrages est monté à 71 %.

La dérogation a été renouvelée pour avril, assortie d’une contrainte : les 29 communes desservies en eau potable par les barrages devaient prendre des arrêtés limitant les usages de l’eau (arrosage des potagers de nuit, pas d’arrosage de fleurs ou pelouses, restriction sur le lavage de voitures et le remplissage de piscines…).

« Les communes sont impactées pour la première fois avant la période sèche, ce qui est difficile à accepter, reconnaît Frédéric Mejassol, directeur général des services du syndicat. Mais elles prennent conscience qu’un travail est à mener sur leurs pratiques (plantations, arrosage de stades, etc.) et pour accompagner la population vers la sobriété. Le fait que le syndicat, compétent en eau potable, soit aussi autorité Gemapi a sûrement joué dans l’obtention de la dérogation car il est capable d’appréhender en même temps les enjeux de l’alimentation en eau potable et ceux des milieux. »

En savoir + : www.roannaise-de-leau.fr
 

. Cisalb lac du bourget (73 – 220 000 habitants). Agir à l’échelle d’un bassin versant

Le Comité intercommunautaire pour l’assainissement du lac du Bourget (Cisalb) est la structure porteuse d’un plan de gestion de la ressource en eau adopté en 2016. Il définit, en concertation avec tous les acteurs du bassin versant, les modalités du partage de l’eau et de l’adaptation des prélèvements pour un retour à l’équilibre entre ressources et besoins.

Une batterie d’actions a été déployée, en sept ans, pour résorber les déficits, mobiliser les gisements d’économies, identifier des ressources de substitution. Avec, notamment, la mise en place de débits réservés à l’aval des captages.

Des investissements lourds sont consentis par Chambéry Métropole (11 M€) et la communauté d’agglomération Grand Lac (3,5 M€), avec le soutien de l’agence de l’eau, pour compenser les prélèvements qui ne se font plus aux sources : réaménagement de captages, hausse des débits prélevés dans la nappe, création de réservoirs, interconnexions de réseaux, dispositifs de pompage pour secourir des hameaux en remontant l’eau du lac.

Ces EPCI se mobilisent en outre pour lutter contre les fuites sur leurs réseaux. Un dispositif «Eau-Climat : on agit ! », lancé en 2022, engage les communes dans une gestion vertueuse de l’eau (suivi des consommations, adaptation des espaces verts, désimperméabilisation des sols… ) et a fait l’objet d’une très forte adhésion. Le Cisalb établit cette année le bilan du plan de gestion de la ressource en eau. En 2024, une concertation s’engagera pour en élaborer le prochain chapitre.

En savoir + : www.cisalb.fr
 

Témoignage
François Sauvadet, président
de l’Assemblée des départements de France
« Élaborer des schémas départementaux
de l’eau »
« Le chef de l’État l’a annoncé dans le cadre du Plan eau : les départements pourront, comme ils le revendiquaient de longue date, exercer la maîtrise d’ouvrage déléguée des travaux nécessaires à la mise en œuvre d’un schéma départemental de l’eau dans les domaines de la production d’eau potable, de la création ou de l’aménagement de réserves d’eau ou d’interconnexion de réseaux, dès lors que ces travaux excèdent le périmètre d’un syndicat ou d’un EPCI à fiscalité propre compétent en matière d’eau.

Il ne s’agit pas d’une nouvelle compétence ni de substituer le département aux autres collectivités en matière de distribution d’eau potable : c’est une réponse pratique aux défis d’une utilisation sobre et raisonnée des ressources en eau. Le chef de l’État a compris qu’en levant les ­verrous administratifs et en misant sur l’intelligence territoriale, selon son expression, il permet aux départements de piloter des projets de réfection et d’interconnexion des réseaux pour éviter que des communes se retrouvent à sec. »

 

Plan eau : le «oui, mais » de l'AMF
L’AMF partage les objectifs du Plan eau, annoncé fin mars par l’État : accélérer une ­utilisation raisonnée de l’eau, lutter contre les fuites et moderniser les réseaux, faciliter la réutilisation des eaux usées, mobiliser de nouvelles ressources, accompagner les transformations du modèle agricole.
Elle se félicite de la suppression du plafonnement des dépenses des agences de l’eau et demande la suppression du «plafond mordant » ­instauré par la loi de finances 2018, un rééquilibrage des contributions et un élargissement des contributeurs. L’État ne doit pas plaquer un modèle de gestion unique de la ressource sur tout le territoire, ­souligne-t-elle.

 

En savoir +

• Les 53 mesures du «Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau », présenté le 30 mars 2023 par le gouvernement.
Rapport sur la gestion de l’eau lors de la sécheresse de 2022 (mars 2023).

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°412 - MAI 2023
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