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Maires de France

Interco et territoires
03/11/2025 OCTOBRE 2025 - n°438
IA, Numérique, réseaux sociaux

Les maires au cœur des territoires connectés

Si la mutualisation des investissements s'impose, l'implication des communes dans le projet est la garantie de leur succès.

Par Olivier Devillers
À Louhans (71), des capteurs intelligents ont été installés sur des lampadaires pour analyser, anonymement, la fréquentation des parkings ou le flux des piétons. Objectif : améliorer le cadre de vie.
© Mairie de Louhans
À Louhans (71), des capteurs intelligents ont été installés sur des lampadaires pour analyser, anonymement, la fréquentation des parkings ou le flux des piétons. Objectif : améliorer le cadre de vie.
Après les réseaux en fibre optique, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à se lancer dans un projet de «territoire durable et connecté ». En pratique, il s’agit d’installer antennes et capteurs pour collecter des données afin d’optimiser des services publics. Si le portage des investissements est assuré par une structure de mutualisation départementale ou régionale, les services déployés ciblent avant tout les communes. Les premiers retours d’expérience montrent tout l’intérêt de s’appuyer sur les maires pour faire remonter les besoins et tester des solutions avant tout déploiement à grande échelle.

À Pezou (1 100 habitants, 41), le maire, Pierre Solon, est à l’affût de toutes les innovations susceptibles d’améliorer le service aux habitants ou de générer des économies. «Quand Val de Loire numérique [syndicat mixte, www.valde loirenumerique.fr] est venu me proposer de participer à des expérimentations d’objets connectés, j’ai tout de suite dit oui », raconte l’élu. La commune a testé des capteurs sur la qualité de l’air, la télérelève des compteurs d’eau et le contrôle des pompes d’assainissement.

Sur l’eau, les expérimentations se sont révélées très concluantes. «En comparant la consommation des compteurs individuels avec le compteur divisionnaire, dès qu’il y a un écart, on sait qu’il y a une fuite », explique le maire. Or avec un réseau qui peut perdre 25 % et 33 % de l’eau injectée, c’est une information qui aide la commune à localiser les fuites, avec des économies sensibles en perspective.

Pour l’assainissement, les capteurs surveillent les pompes de relevage pour un gain tout aussi évident : «Aujourd’hui, j’ai deux personnes indisponibles, une à deux heures par jour, juste pour vérifier six pompes et deux stations. Avec les capteurs, au lieu d’aller voir si les diodes sont “vertes”, ils le voient sur leur smartphone. Et la plus-value des agents, c’est de diagnostiquer les dysfonctionnements, pas de contrôler. »

En revanche, pour les capteurs d’air dans les écoles, avec «des alarmes qui sonnent tout le temps », le service ne s’est pas révélé opérationnel pour les instituteurs. Le seul message qu’en retient le maire est qu’il «faut aérer tout le temps ».
 

Paramétrer les outils en fonction des besoins

À Long (600 habitants, 80), le maire, Jean-Marie Pecquet, partage la nécessité de disposer de «services utiles, où il n’est pas nécessaire de se connecter tout le temps ». La commune a notamment testé le suivi des niveaux des cours d’eau et la surveillance des points d’apport volontaires dans les déchetteries dans le cadre d’un projet de territoire connecté porté par Somme numérique, un syndicat mixte pour l’aménagement numérique du territoire (www.sommenumerique.fr, lire ci-dessous). Le suivi des cours d’eau est tombé à pic, la commune ayant subi de graves inondations fin 2024. «Avec les cinq capteurs installés, on a pu observer l’évolution de la montée des eaux au jour le jour », s’enthousiasme le maire.

Ces informations ont pu être partagées avec les communes voisines, permettant aux élus de prendre des mesures préventives sans être dans l’urgence. Le maire insiste cependant sur la nécessité de pouvoir «paramétrer chaque capteur » en fonction du contexte : «il ne faut pas que les niveaux soient trop bas pour préserver les tourbières ; il ne faut pas qu’ils soient trop hauts non plus, sinon on peut risquer des inondations partielles. » Les capteurs ne sont par ailleurs pas pertinents partout. Dans le cas des points d’apport volontaire, s’ils peuvent aider à éviter des débordements de poubelles dans cette commune touristique, ils ne fonctionnent pas pour tous les types de déchets, «un carton de travers ayant vite fait de fausser le capteur ».

À Louhans (6 500 habitants, 71), la commune mise sur des capteurs pour mieux connaître sa fréquentation. Elle fait partie du programme Data BFC porté par la région Bourgogne-Franche-Comté avec l’appui de France 2030 visant à promouvoir l’utilisation des données pour améliorer la qualité de vie des citoyens et optimiser les services publics.

La mairie vient d’installer 55 capteurs pour analyser les flux de fréquentation du centre-ville et de quelques points d’intérêt (parkings). «Pour nous, petites villes rurales, il est difficile d’accéder à des outils aussi performants, ne serait-ce qu’à cause du coût », souligne Frédéric Bouchet, maire de ­Louhans, heureux de bénéficier du programme. La commune souhaite s’appuyer sur des données chiffrées et non «un simple ressenti » pour objectiver ses décisions d’investissement. «Quand on fait un plan pluriannuel d’investissement, pourquoi commencer par telle rue plutôt qu’une autre ? C’est pour argumenter vis-à-vis de la population que nous souhaitons collecter ces données », détaille l’élu.

Les capteurs, basés sur une technologie laser couplée à de l’intelligence artificielle, permettent en outre d’identifier les différents types d’usagers sans les filmer, dans le respect du RGPD : couple, familles avec poussette, vélo, automobile… Avec son important marché hebdomadaire, qui attire 55 000 visiteurs lors d’événements comme la Pentecôte, Louhans espère aussi affiner sa connaissance des flux touristiques pour adapter ses infrastructures.

Le point commun de ces expérimentations est de conférer aux collectivités la pleine maîtrise de leurs données.
 

Protéger les données

À Pezou, Pierre Solon déplore par exemple que pour la relève des compteurs d’eau, le prestataire fasse «payer la relève comme l’analyse des données ». En se dotant de son propre système de télérelève, Val de Loire numérique redonne la main aux communes.

Idem dans la Somme où le syndicat mixte a investi dans son propre centre de données. «Avec les données d’historique des crues, on va pouvoir faire des simulations ou les partager avec des chercheurs », se réjouit Jean-Marie Pecquet.

En ­Bourgogne-Franche-Comté, le programme Data BFC a fait de la souveraineté sur la donnée le cœur de sa démarche. Mutualiser les investissements, pour installer les antennes LoRa (lire ci-cdessous) et réaliser des achats groupés de capteurs, permet ensuite de faire baisser les coûts d’accès aux services.

En phase expérimentale, ceux-ci ne sont pas totalement arrêtés dans les trois projets. Le principe retenu est cependant d’avoir une participation de la commune à l’investissement et de proposer un tarif annuel de quelques euros par objet connecté, ceux-ci étant pilotables via une plateforme gérée par la structure de mutualisation.
 

Témoignage
Laurent Parsis, vice-président de Somme Numérique 
« Affiner les besoins avec les élus »
« Somme Numérique place les maires au centre de son projet de territoire connecté dès les expérimentations. Menées dans deux communes et quatre EPCI, celles-ci nous permettent d’affiner les besoins. Elles portent sur l’éclairage, l’eau potable, la surveillance des cours d’eau et le suivi des consommations des bâtiments publics.
Pour l’éclairage public par exemple, tous les élus savent qu’il y a des économies à faire, mais vous ne pouvez pas programmer une extinction à 22h30 quand les personnes sont encore sur la place du village.
Il s’agit de proposer aux élus un système pilotable, souple et adaptable. Nous organisons des visioconférences d’une heure par thème, associant élus et techniciens pour concevoir, par exemple, des tableaux de bord qui leur parlent. On les associe aussi à l’élaboration du modèle économique. Une fois la phase expérimentale terminée, ces élus seront nos ambassadeurs pour convaincre les autres maires d’adopter les services. »

 

LoRa : le réseau sans fil dédié
Un réseau LoRa est une infrastructure sans fil conçue pour connecter des objets à faible consommation d’énergie. Contrairement aux réseaux 4G ou Wi-Fi, LoRa utilise une gamme de fréquences radio dite «bas débit » pour transmettre ponctuellement une donnée peu volumineuse (un niveau d’eau, une température, un dénombrement…) même dans des environnements difficiles (forêt, sous-sol).
Le réseau interconnecte des passerelles (gateways) couvrant un rayon entre 15 à 20 km en zone rurale. Celles-ci captent les signaux des capteurs et les transmettent à une plateforme d’analyse sur un serveur central.
Standardisé par la LoRa Alliance, le protocole LoRaWan est ouvert et garantit l’interopérabilité entre une large gamme d’équipements. Le principe retenu par les structures de mutualisation est en général de demander aux communes une contribution forfaitaire annuelle de quelques euros par objet connecté.
© Capture vidéo Somme numérique Wéo

 

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