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novembre 2022
Santé

Santé : les pistes de réorganisation territoriale des soins

Les maires ont un rôle central à jouer sur la question de l'accès aux soins et de la prévention. La concertation entre les acteurs se poursuit. Maires de France fait le point.

Bénédicte Rallu
Illustration
© CCHPM
Parmi les leviers du gouvernement, le développement des exercices coordonnés en maisons de santé doit permettre d'attirer des médecins.
En attendant que la fin du numerus clausus pour la formation des médecins produise son effet dans quelques années, gouvernement, professionnels de santé, parlementaires, académie de médecine, associations d’élus cherchent à trouver des solutions de court terme pour améliorer l’accès aux soins. Près de sept millions de Français n’ont pas de médecin traitant, dont 600 000 en affection longue durée, selon le ministère de la Santé. De l’aveu même du ministre, François Braun, cette situation est « inacceptable ». « Dans les déserts médicaux, on va faire la guerre avec les troupes qu’on a », a-t-il indiqué dans le journal Le Monde début octobre. Le ministre compte sur « l’intelligence des territoires » pour trouver les solutions de refondation du système de santé et veut favoriser « des solutions de bon sens portées collectivement » et « la coopération entre les acteurs ».

Les maires, à travers l’AMF, ont répondu à l’appel en insistant sur le besoin de trouver des solutions « immédiates ». Tout ce qui pourra aider (délégation de tâches, autorisation des étudiants en dernière année de médecine à faire des remplacements, développement encadré de la télémédecine, répartition de la permanence des soins sur l’ensemble des acteurs de santé…) sera le bienvenu. Lors de sa réunion du 20 septembre dernier, le bureau de l’AMF a formulé l’impératif d’un médecin traitant pour chaque Français et d’une permanence des soins par bassin de vie. Un forum sur les solutions locales pour résoudre les difficultés d’accès aux soins sera présenté, le 23 novembre, lors du 104e Congrès des maires.

Délégation d’actes

Le 3 octobre, au Mans (72), lors du lancement du Conseil national de la refondation (CNR) Santé, le ministre de la Santé a repris à son compte cet impératif. Les professionnels de santé sont, eux aussi, conscients qu’il faut « des mesures pragmatiques pouvant avoir un impact immédiat sur le plan de l’amélioration de l’accès à la santé ».

Les annonces et les propositions se sont multipliées en octobre. Avec un premier « big bang ». L’Ordre des médecins a, pour la première fois, accepté que des actes et activités qui leur étaient dévolus soient dorénavant réalisés par d’autres professionnels de santé (première évaluation du patient avant orientation vers le bon parcours de soins, traitement de maladies bénignes…). Un accord a été signé entre les sept Ordres professionnels (médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues), le 13 octobre. Les médecins gagneraient du « temps médical » et leurs patients auraient accès plus vite à une première réponse à leurs problèmes.
 
Reste à rendre effectif ce partage des actes. Ce sera l’objet d’une seconde étape, loin d’être franchie. Le syndicat des médecins généralistes MG France s’y oppose vivement considérant qu’il s’agit en fait d’un « renoncement » à vouloir que les patients aient accès à un médecin traitant. Lister les actes partagés entre médecins et autres professionnels de santé promet aussi une bataille acharnée. Le législateur est déjà allé en ce sens pour le traitement direct de cystites et angines bénignes par les pharmaciens, des entorses de cheville ou lombalgies aiguës par les kinésithérapeutes par exemple, mais les décrets n’ont jamais été publiés… Qui plus est, des secteurs connaissent également des problèmes de recrutement. C’est le cas des pharmaciens, en particulier dans les zones rurales. Il manquerait 15 000 préparateurs et pharmaciens, selon l’Union nationale des pharmaciens de France. Et la filière pharmacie est loin de faire le plein d’étudiants…

Sans attendre l’adoption du PLFSS 2023, la rapporteure du budget de la Sécurité sociale, Stéphanie Rist, députée du Loiret, a annoncé une proposition de loi pour autoriser certains infirmiers à « faire des prescriptions » (pour des maladies bénignes). L’Assemblée nationale devrait examiner le texte le 28 novembre. 

Etudiants médecins dans les zones carencées

Autre annonce, faite cette fois par le gouvernement : la création d’une quatrième année d’internat pour les médecins généralistes à réaliser dans les territoires peu dotés en médecins, sur la base du volontariat. Mise en application effective à l’automne 2026 ou 2027.

Le Sénat maintient la pression et a voté, le 19 octobre, une proposition de loi portant la création d’une quatrième année d’internat effectuée en priorité dans les zones sous-dotées. Le débat porte maintenant sur une éventuelle obligation pour les internes d’effectuer cette quatrième année dans ces zones. Les syndicats d’internes sont résolument contre. Les deux ministres, François Braun (Santé et Prévention, médecin urgentiste de profession) et Agnès Firmin Le Bodo (Organisation territoriale et Professions de santé, pharmacienne), estiment également que la coercition pour l’installation « ne fonctionne pas ». Certains élus locaux, même ceux qui y étaient opposés, commencent toutefois à la réclamer. 

Ces derniers avancent toutefois d’autres pistes que les concertations dans le cadre du CNR santé pourraient faire émerger. Le gouvernement fait confiance aux acteurs locaux pour « accélérer la mise en œuvre des solutions qui sont à portée de main, et faire prospérer toutes les expériences réussies ». Les maires, confortés par la gestion du Covid, ont l’expérience des contrats locaux de santé, des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), des maisons de santé, et sont prêts à jouer un rôle de coordination des acteurs de la santé. Ils souhaitent aussi jouer un rôle sur le volet prévention à travers les politiques publiques d’aménagement, du logement, du sport, etc.

 Le bilan du CNR Santé – qui a lieu dans tout le pays à l’échelle départementale ou des bassins de vie – ne sera fait cependant qu’en janvier 2023. Les maires peuvent eux-mêmes organiser des réunions en suivant le fil rouge des thématiques décidées par le ministère de la Santé (donner accès à un médecin traitant ou à une équipe traitante à tous ; permanence des soins et accès aux soins d’urgences ; leviers locaux d’attractivité pour les métiers de la santé ; prévention), sous l’égide des agences régionales de santé et des préfets qui ont pour instruction d’associer fortement les élus locaux (instruction du ministère de la Santé et de la Prévention n° SGMCAS/2022/234 du 18 octobre 2022).

Des points ont toutefois déjà été actés par le gouvernement : un médecin traitant pour chaque Français d’ici à 2027, des CPTS sur l’ensemble du territoire, le recrutement de 10 000 assistants médicaux d’ici à 2025, le renforcement des consultations avancées (déplacement des professionnels de santé vers la population), la généralisation du service d’accès aux soins (pour répondre aux besoins de santé urgents et non programmés de la population) d’ici à 2023. Mais, pour l’instant, il n’y aura pas de réforme de la gouvernance des hôpitaux réclamée par les maires. 
 

Urgences pour les urgences
Le comité de suivi du plan pour les urgences auquel l’AMF participe poursuit ses travaux. Les mesures mises en place cet été doivent être évaluées pour décider de celles à conserver et de celles à arrêter ou à améliorer. À la date du 20 octobre 2022, la troisième réunion prévue n’avait pas encore eu lieu. Les maires sont convaincus de l’opportunité d’avoir adopté des mesures immédiates et urgentes pour sécuriser l’accès aux soins pendant l’été mais plaident pour l’adoption de mesures de plus long terme garantissant la permanence des soins, palliant le manque de médecins dans de nombreux territoires, la baisse du nombre de lits dans les hôpitaux ou dans les établissements permettant des prises en charge adaptées dans des lits d’aval, en particulier en Ehpad.
L’AMF souhaite une évaluation de l’impact global des mesures prises cet été mais celle-ci «ne peut en aucun cas être purement comptable », avertit-elle. Elle estime nécessaire d’intégrer, dans cette étude, l’éventuel renoncement aux soins des patients et d’analyser les suites effectives données aux appels au 15. Autre point important : l’AMF souhaite disposer d’évaluations infra-départementales dont les réalités sont très diverses, notamment dans les territoires ruraux. 

 

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Cet article a été publié dans l'édition :

n°406 - NOVEMBRE 2022
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