Santé : les pistes de réorganisation territoriale des soins
Les maires ont un rôle central à jouer sur la question de l'accès aux soins et de la prévention. La concertation entre les acteurs se poursuit. Maires de France fait le point.
Les maires, à travers l’AMF, ont répondu à l’appel en insistant sur le besoin de trouver des solutions « immédiates ». Tout ce qui pourra aider (délégation de tâches, autorisation des étudiants en dernière année de médecine à faire des remplacements, développement encadré de la télémédecine, répartition de la permanence des soins sur l’ensemble des acteurs de santé…) sera le bienvenu. Lors de sa réunion du 20 septembre dernier, le bureau de l’AMF a formulé l’impératif d’un médecin traitant pour chaque Français et d’une permanence des soins par bassin de vie. Un forum sur les solutions locales pour résoudre les difficultés d’accès aux soins sera présenté, le 23 novembre, lors du 104e Congrès des maires.
Délégation d’actes
Le 3 octobre, au Mans (72), lors du lancement du Conseil national de la refondation (CNR) Santé, le ministre de la Santé a repris à son compte cet impératif. Les professionnels de santé sont, eux aussi, conscients qu’il faut « des mesures pragmatiques pouvant avoir un impact immédiat sur le plan de l’amélioration de l’accès à la santé ».
Les annonces et les propositions se sont multipliées en octobre. Avec un premier « big bang ». L’Ordre des médecins a, pour la première fois, accepté que des actes et activités qui leur étaient dévolus soient dorénavant réalisés par d’autres professionnels de santé (première évaluation du patient avant orientation vers le bon parcours de soins, traitement de maladies bénignes…). Un accord a été signé entre les sept Ordres professionnels (médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues), le 13 octobre. Les médecins gagneraient du « temps médical » et leurs patients auraient accès plus vite à une première réponse à leurs problèmes.
Reste à rendre effectif ce partage des actes. Ce sera l’objet d’une seconde étape, loin d’être franchie. Le syndicat des médecins généralistes MG France s’y oppose vivement considérant qu’il s’agit en fait d’un « renoncement » à vouloir que les patients aient accès à un médecin traitant. Lister les actes partagés entre médecins et autres professionnels de santé promet aussi une bataille acharnée. Le législateur est déjà allé en ce sens pour le traitement direct de cystites et angines bénignes par les pharmaciens, des entorses de cheville ou lombalgies aiguës par les kinésithérapeutes par exemple, mais les décrets n’ont jamais été publiés… Qui plus est, des secteurs connaissent également des problèmes de recrutement. C’est le cas des pharmaciens, en particulier dans les zones rurales. Il manquerait 15 000 préparateurs et pharmaciens, selon l’Union nationale des pharmaciens de France. Et la filière pharmacie est loin de faire le plein d’étudiants…
Sans attendre l’adoption du PLFSS 2023, la rapporteure du budget de la Sécurité sociale, Stéphanie Rist, députée du Loiret, a annoncé une proposition de loi pour autoriser certains infirmiers à « faire des prescriptions » (pour des maladies bénignes). L’Assemblée nationale devrait examiner le texte le 28 novembre.
Etudiants médecins dans les zones carencées
Autre annonce, faite cette fois par le gouvernement : la création d’une quatrième année d’internat pour les médecins généralistes à réaliser dans les territoires peu dotés en médecins, sur la base du volontariat. Mise en application effective à l’automne 2026 ou 2027.
Le Sénat maintient la pression et a voté, le 19 octobre, une proposition de loi portant la création d’une quatrième année d’internat effectuée en priorité dans les zones sous-dotées. Le débat porte maintenant sur une éventuelle obligation pour les internes d’effectuer cette quatrième année dans ces zones. Les syndicats d’internes sont résolument contre. Les deux ministres, François Braun (Santé et Prévention, médecin urgentiste de profession) et Agnès Firmin Le Bodo (Organisation territoriale et Professions de santé, pharmacienne), estiment également que la coercition pour l’installation « ne fonctionne pas ». Certains élus locaux, même ceux qui y étaient opposés, commencent toutefois à la réclamer.
Ces derniers avancent toutefois d’autres pistes que les concertations dans le cadre du CNR santé pourraient faire émerger. Le gouvernement fait confiance aux acteurs locaux pour « accélérer la mise en œuvre des solutions qui sont à portée de main, et faire prospérer toutes les expériences réussies ». Les maires, confortés par la gestion du Covid, ont l’expérience des contrats locaux de santé, des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), des maisons de santé, et sont prêts à jouer un rôle de coordination des acteurs de la santé. Ils souhaitent aussi jouer un rôle sur le volet prévention à travers les politiques publiques d’aménagement, du logement, du sport, etc.
Le bilan du CNR Santé – qui a lieu dans tout le pays à l’échelle départementale ou des bassins de vie – ne sera fait cependant qu’en janvier 2023. Les maires peuvent eux-mêmes organiser des réunions en suivant le fil rouge des thématiques décidées par le ministère de la Santé (donner accès à un médecin traitant ou à une équipe traitante à tous ; permanence des soins et accès aux soins d’urgences ; leviers locaux d’attractivité pour les métiers de la santé ; prévention), sous l’égide des agences régionales de santé et des préfets qui ont pour instruction d’associer fortement les élus locaux (instruction du ministère de la Santé et de la Prévention n° SGMCAS/2022/234 du 18 octobre 2022).
Des points ont toutefois déjà été actés par le gouvernement : un médecin traitant pour chaque Français d’ici à 2027, des CPTS sur l’ensemble du territoire, le recrutement de 10 000 assistants médicaux d’ici à 2025, le renforcement des consultations avancées (déplacement des professionnels de santé vers la population), la généralisation du service d’accès aux soins (pour répondre aux besoins de santé urgents et non programmés de la population) d’ici à 2023. Mais, pour l’instant, il n’y aura pas de réforme de la gouvernance des hôpitaux réclamée par les maires.
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