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Pratique
05/06/2025 MAI 2025 - n°434
Environnement Finances

Changement climatique : adapter la commune

Soumises aux impacts du réchauffement, les communes doivent élaborer une stratégie préventive. La démarche nécessite méthode et concertation.

Par Valéry Laramée de Tannenberg
De fortes pluies, conjuguées à la fonte brutale des neiges et à 
la vidange d'un lac, ont déversé, les 20-21 juin 2024, des roches sur le hameau de La Bérarde (38). Le réchauffement climatique en est une des causes.
De fortes pluies, conjuguées à la fonte brutale des neiges et à la vidange d'un lac, ont déversé, les 20-21 juin 2024, des roches sur le hameau de La Bérarde (38). Le réchauffement climatique en est une des causes.
Avec plus d’un an de retard, le gouvernement a publié, le 10 mars, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3). Doté de 52 mesures, ce programme ambitionne de préparer la France à un réchauffement de + 4 °C d’ici à la fin du siècle. «Un tel réchauffement ne reflète pas le pire des scénarios, mais le plus probable », rappelle Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique et co-auteur d’un rapport sur l’adaptation.

Confrontée à la montée du niveau de la mer, aux risques d’inondations, de retrait-gonflement des argiles (RGA), d’éboulements en montagne ou, plus classiquement, d’ilots de chaleur urbains, les communes sont en première ligne. À charge pour les élus et les acteurs du territoire de préparer une stratégie locale d’adaptation.

« Concrètement, il s’agit d’un ensemble d’actions d’ajustement au climat, actuel et attendu, visant à modérer les effets préjudiciables du réchauffement », résume Matthieu Glachant, économiste du climat. Touchant tout autant à la prévention des risques qu’à l’urbanisme, ces mesures doivent être pensées et mises en œuvre à l’échelle du territoire communal ou intercommunal. Pas simple, si l’on considère que les effets du dérèglement ­climatique évolueront dans le temps.
 

I - La méthode de travail

Les collectivités peuvent se référer à la méthode de l’Ademe baptisée «trajectoire d’adaptation au changement climatique des territoires » (TACCT). Il faut, en premier lieu, identifier les conséquences du changement climatique sur un territoire donné, puis formuler des objectifs prioritaires d’action. Engager un chargé de mission pour accomplir ces deux tâches n’est pas superflu.

L’identification des effets locaux du réchauffement implique de dresser le portrait du climat communal durant la période pré-réchauffement. Ce qui implique de répondre à quelques questions simples : quel était le régime des précipitations, les températures extrêmes, combien de journées de gel et de sécheresse connaissait-on chaque année ?  
 

II - Les données à mobiliser

Les données sont disponibles auprès de Météo France ou sur le site d’Infoclimat. C’est en partant de cet état zéro que l’on peut évaluer les changements qui sont intervenus depuis les années 1980 et imaginer ceux qui sont appelés à se produire dans les prochaines décennies.

Récemment mis en ligne par Météo France, le portail «Climadiag Commune » produit gratuitement des indicateurs utiles pour anticiper le futur climatique : progression des températures moyennes saisonnières, nombre de jours de gel, évolution des précipitations, nombre de journées où le risque d’incendie est élevé, épisodes de sols secs. La communauté scientifique a aussi développé le site Drias Eau qui propose des projections hydrologiques des eaux de surface et souterraines.

D’autres outils en ligne s’avèrent utiles pour valider des données publiques (comme Callendar – www.callendar.tech – qui permet de procéder à une évaluation locale des risques climatiques) ou creuser une thématique particulière (Climsnow – www.climsnow.com – qui fait référence pour l’enneigement).  
 

III - Établir un diagnostic de vulnérabilité partagé

Ce document est composé de deux chapitres principaux : l’un évalue l’exposition du territoire aux événements extrêmes ou à la modification des moyennes climatiques ; l’autre est consacré à la sensibilité, c’est-à-dire à la part du territoire susceptible d’être affectée par la manifestation d’un aléa. Le travail peut reposer sur l’analyse de la presse et des archives locales, et sur les souvenirs des citoyens.

C’est le choix fait par la communauté de communes du Bocage Bourbonnais (03). «Nous avons réuni dans des ateliers de travail des élus, des partenaires, des agents, des personnes ressources pour restituer l’évolution des changements observés sur le territoire », explique Catalina Duque Gómez, directrice générale adjointe chargée de la stratégie.

Fortement exposée à l’élévation du niveau de la méditerranée, La Grande Motte (34) a également élaboré un diagnostic partagé avec les habitants, les entreprises, les acteurs du tourisme. Il faut aussi sensibiliser les agents.

À Fourmies (59), en amont des ateliers thématiques sur l’adaptation, Marie Henneron a ainsi rappelé aux agents communaux les fondamentaux du climat. «Nous nous sommes rendu compte que la moitié d’entre eux n’avaient que de vagues notions du réchauffement et de ses conséquences », constate la directrice du projet Rev3 (transition énergétique et écologique) de la ville nordiste. Le travail collectif permet de partager les constats et d’aboutir à un narratif partagé par chaque participant, ce qui facilitera la recherche de solutions consensuelles.
 

IV - Définir des priorités d’action

Dans l’Allier, la communauté de communes du Bocage Bourbonnais estime qu’il faudra agir sur les ressources en eau, l’agriculture, la forêt, les milieux naturels, l’aménagement du territoire, le bâtiment, la santé et le tourisme.

Cette analyse permet de lister les priorités, mais aussi les compétences mobilisables par la collectivité et les partenaires à solliciter, selon les sujets : conseil départemental, syndicat d’électrification, agence régionale de la santé, chambre d’agriculture, gestionnaires de l’eau du bassin versant. «Seule, la collectivité ne pourra pas tout faire », confirme Nicolas Beaupied, directeur de projet adaptation au changement climatique au Cerema.

D’autant que la mise en œuvre d’une stratégie d’adaptation est une œuvre de longue haleine. Après avoir hiérarchisé les actions à déployer, la collectivité devra poursuivre les discussions avec ses partenaires pour définir des trajectoires d’adaptation partagées et les financer. Un travail qui portera ses fruits dans la durée. «La mise en œuvre de ce projet politique local ne peut pas se faire en moins d’une mandature », pronostique Mickaël Hiraux, maire de Fourmies.  
 

V - Se faire aider

La collectivité peut solliciter différents types d’aides publiques. Techniques, tout d’abord. La «Mission Adaptation » est un guichet auprès duquel élus et agents peuvent solliciter le soutien et des conseils en ingénierie d’experts.

L’État soutient la mise en œuvre des actions menées par les intercommunalités dans le cadre de leur PCAET, en mobilisant les crédits du nouveau fonds climat territorial (lire ci-dessous). Dotées d’1 Md€ pour l’adaptation, les agences de l’eau peuvent cofinancer des travaux de désimperméabilisation ou de végétalisation.

Cette année, le Fonds Barnier a été porté à 300 M€ pour prévenir certains risques climatiques. Le ministère de la Transition écologique dispose aussi d’une enveloppe de 30 M€ pour anticiper les risques liés au RGA. Prochainement, chaque préfecture de département sera dotée d’un référent «adaptation », une personne ressource pour les élus et les services.

 

AVIS D'EXPERTE
Delphine Vincent, directrice du développement du Cerema Territoires et Villes
« Identifier collectivement les vulnérabilités »
« Les messages véhiculés sur les changements climatiques et leurs conséquences sont alarmistes. Mais toutes les collectivités ne seront pas confrontées aux mêmes crises. C’est tout l’enjeu des politiques locales d’adaptation : il faut identifier, collectivement, les vulnérabilités de chaque territoire en partant du terrain et des habitants. Dès que l’on est dans l’action, les choses deviennent moins angoissantes et plus concrètes.
Lorsque l’on met en œuvre son plan d’adaptation, il faut penser à long terme. La renaturation d’un cours d’eau urbain permet tout à la fois de minorer les risques d’inondation, de restaurer la biodiversité et de contribuer au rafraîchissement des quartiers traversés.
L’une des conditions de réussite des porteurs du plan d’adaptation sera de convaincre les acteurs économiques, potentiellement affectés par les effets du réchauffement, comme les agriculteurs, les exploitants de stations de sports d’hiver ou les promoteurs en bord de mer, de faire évoluer leurs pratiques. C’est essentiel pour que les réflexions menées en amont permettent aux activités menacées de se réorganiser. »

 

Création d’un «fonds climat territorial »    
La loi de finances pour 2025 crée un fonds climat territorial finançant des actions d’adaptation des intercommunalités ayant élaboré leur plan climat-air-énergie territorial (PCAET). Les crédits (200 millions d’euros) sont répartis par les préfets entre tous les EPCI dotés d’un PCAET, «sur la base du nombre d’habitants », précise l’instruction du 28 février 2025 sur les règles d’emploi des dotations de soutien à l’investissement et du Fonds vert. 

 

 

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