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15/02/2024 - FÉVRIER 2024 n°420
AMF Logement

Logement. Les remèdes anti-crise

La situation dans le secteur s'est fortement dégradée. L'impact social s'avère terrible. Les acteurs concernés, dont les maires, font des propositions à mettre en place de toute urgence pour sortir du marasme.

Par Bénédicte Rallu
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a assuré,  le 1er février, que la relance de la production de logements sociaux est la priorité du gouvernement.
© Sébastien Godefroy
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a assuré, le 1er février, que la relance de la production de logements sociaux est la priorité du gouvernement.
La bombe sociale du logement a explosé », annonce la Fondation Abbé Pierre dans son rapport annuel 2024 sur le mal-logement. Depuis deux ans, élus, experts du secteur et même un ministre du Logement (Olivier Klein, dès 2022) prédisaient cette catastrophe sociale. L’analyse de la Fondation, présentée le 1er février, est sans appel : la France compte «14,826 millions de personnes mal-logées ou en situation de fragilité par rapport au logement ». Soit près de 22 % de la population française.

Pourtant, «l’effort public consacré au logement n’a jamais été aussi faible », constate Christophe Robert, délégué général de la Fondation : 1,6 % du PIB (chiffres 2022) y est consacré. Cela correspond «à une chute de 15 Mds€ chaque année » depuis 2010, année de référence, selon la Fondation.

Toute la machine se grippe. 2,6 millions de personnes attendaient un logement social en 2023 et on dénombre plus de 330 000 sans domicile (dont «toujours plus de femmes et d’enfants », selon la Fondation). 372 500 nouveaux logements ont été autorisés en novembre 2023, selon les derniers chiffres du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, soit une baisse de plus de 25 % sur un an.
 

Répondre aux besoins des ménages

La production de logements a reculé : en 2023, il n’y a eu que 280 000 mises en chantier, «un niveau proche de ses plus bas historiques relevés au début des années 1990 », s’alarme l’Alliance pour le logement (qui réunit dix fédérations professionnelles), dans sa note de conjoncture de janvier 2024 (lire l'article de Maires de France). «La production de logement ne répond pas aux besoins des ménages », tempête Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH). Selon une étude HTC pour l’USH du 26/09/2023, il serait pourtant «nécessaire de construire ou de remettre sur le marché 518 000 logements par an d’ici à 2040 », pour répondre aux besoins (dont 198 000 nouveaux logements sociaux à produire).

« Concernant les transactions dans l’ancien, elles passent sous le seuil des 900 000 logements et vont continuer à baisser en 2024. Le nombre d’annonces locatives a diminué de presque 60 % en cinq ans et la capacité d’emprunt des acheteurs a chuté de 25 % depuis janvier 2022 », toujours selon la note de l’Alliance pour le logement qui a lancé «un appel de la dernière chance », le 24 janvier, pour que le gouvernement prenne des mesures d’urgence.

Autre signe de la catastrophe, les professionnels du logement, comme les notaires, commencent à licencier ou à fermer. Le bâtiment s’attend à une perte de «90 000 emplois directs », soit une perte de «6,5 % ». Ces destructions pourraient compliquer la relance du logement, au moment où il faudra construire, estime la Fédération française du bâtiment (FFB). Même l’état sera perdant puisqu’il devrait perdre 4 Mds€ de TVA en 2024 en raison de la baisse de l’activité de construction neuve, selon le député, rapporteur du budget du logement, François Jolivet.

Les conséquences sont difficiles à prévoir. «Le logement est à la croisée de tous les enjeux démographiques et politiques de la société française, rappelle l’AMF.

Derrière ces chiffres se cache pour notre pays un coût humain et social de long terme qu’aucun économiste ne peut chiffrer : qui dira le coût d’une femme victime de violences conjugales qui renonce à fuir par crainte de ne pas trouver un nouveau logement ? D’un jeune étudiant qui renonce à une orientation professionnelle car il ne trouve pas de logement étudiant ? D’un couple qui renonce à avoir un enfant par crainte de ne pas trouver le logement adapté à sa composition familiale ? » Les difficultés de recrutement ont aussi pour cause la problématique du logement.
 

Les maires, inquiets, font 25 propositions

Les raisons de cette crise du logement sont multiples : hausse des taux d’intérêt, inflation et baisse de pouvoir d’achat des ménages, pénurie de logements sur le marché locatif, baisse des aides personnalisées au logement (APL), fragilisation du secteur HLM, nécessité de rénovation thermique des logements, zéro artificialisation nette (ZAN)…  

« Le constat d’échec de la politique du logement, menée depuis ces dernières années, est aujourd’hui largement partagé parmi les maires et présidents d’EPCI. La réalité des chiffres est alarmante », selon l’AMF. 

Pour faire face à cette crise, «les solutions sont sur la table », rappelle l’Alliance pour le logement. Celle-ci propose de rétablir le prêt à taux zéro, de dynamiser l’acquisition de logements neufs par une exonération partielle des droits de mutation, de limiter les refus de crédits grâce à un assouplissement des règles du Haut conseil de stabilité financière, de créer un statut du bailleur privé, de massifier la rénovation énergétique, de relever les APL…

En 2023, le Conseil national de la refondation sur le logement avait également formulé plus de 200 propositions, quasiment pas reprises par le gouvernement.
 

Simplifier les documents d'urbanisme

L’AMF verse également au débat 25 propositions. Celles-ci s’articulent autour de trois grands axes dont le premier vise à renforcer la place des maires dans les politiques de logement social, à décentraliser les zonages, à mieux lutter contre les logements vacants et à leur donner les moyens de réglementer les meublés de tourisme.

Le deuxième grand axe porte sur le foncier et, en particulier, sur le ZAN. Objectif : trouver un modèle économique et financier sur le long terme, revisiter la fiscalité foncière (taxation des plus-values sur la cession des terrains nus rendus constructibles, taxe d’aménagement, droits de mutation) pour, in fine, libérer du foncier.

L’AMF propose également de simplifier l’évolution des documents d’urbanisme et d’étendre à toutes les communes le pouvoir de dérogation du maire, d’articuler les objectifs du ZAN et de la production de logements, de sécuriser les outils juridiques pour lutter contre la spéculation, de mettre en place un mécanisme de régulation des prix du foncier sur la base du volontariat des communes et des EPCI…
 

Incitations fiscales à l'investissement locatif

Le troisième grand volet de propositions vise à «stopper l’aggravation de la pénurie de l’offre et [à] réengager l’État vers un modèle économique soutenable pour la production », en soutenant notamment l’acte de construire par des incitations fiscales à l’investissement locatif et à l’accession à la propriété, et en compensant totalement les exonérations de taxes foncières.

Outre les annonces du Premier ministre (lire ci-dessous), le gouvernement s’est engagé, le 31 janvier, à «réfléchir à des outils fiscaux et financiers innovants pour inciter les élus et les opérateurs à produire plus de logements ».

L’AMF recommande la mise en œuvre d’une loi de programmation qui donnerait de la visibilité sur l’engagement de l’État. Afin d’éviter la disparition potentielle de millions de logements du marché locatif d’ici à 2028, l’association estime aussi qu’il faut «renoncer à exclure de façon uniforme les passoires thermiques ». L’AMF souhaite également accentuer le caractère coercitif de la lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées et relancer un plan massif de production à destination des jeunes actifs et des étudiants.
 

Les premières annonces du gouvernement

Le 14 février, le gouvernement a dévoilé les 22 territoiressur lesquels l’objectif sera de «créer 30 000 logements d’ici à 2027 », comme l'avait indiqué le Premier ministre dans son discours de politique générale, le 30 janvier, souhaitant créer un «choc d’offres » avec les élus locaux.

Dans ces 22 territoires, le gouvernement signera un contrat avec le maître d’ouvrage, sous forme d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) ou d’une opération d’intérêt national (OIN). L’État apportera des «subventions exceptionnelles » sous conditions (respect du calendrier, des objectifs, de la qualité urbaine et environnementale des projets…). Des mesures de simplification prévues dans le projet de loi sur l’habitat dégradé (consultation du public, expropriation…), en cours de discussion, doivent permettre d’accélérer les réalisations.
Par ailleurs, Gabriel Attal veut simplifier les normes, «revoir les diagnostics de performance énergétique, (…) faciliter la densification, lever les contraintes sur le zonage et accélérer les procédures ». Il veut «donner aux maires la main pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune », sans plus de précision à ce stade. Et propose d’« ajouter pour une part les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, dans [le] calcul des 25 % » de la loi solidarité et renouvellement urbain (SRU).
L’Union sociale pour l’habitat, comme l’AMF, estiment que ce projet ne favorisera pas la construction de logements sociaux. «Nous maintiendrons une exigence minimale de logements très sociaux », a assuré Gabriel Attal devant les sénateurs, le 31 janvier. L’AMF a pris acte de ces annonces mais elle estime qu’« une réponse en profondeur reste nécessaire ».

 

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