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Maires de France
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27/08/2025 JUILLET AOUT 2025 - n°436
Sécurité - sécurité civile

Tempête-submersion. La Rochelle organise un test XXL

La communauté d'agglomération (185 015 habitants, Charente-Maritime) et l'État ont coordonné, les 9 et 10 avril, un exercice d'entraînement à la gestion d'une crise météorologique à l'échelle des 28 communes.

Par Emmanuelle Stroesser
© Aurélien Faidy
Les sinistrés ont rarement le sourire. C’est pourtant le cas de ce monsieur, la soixantaine passée, qui se présente à l’entrée du centre d’hébergement d’urgence temporaire d’Aytré (9 760 habitants, 17), le 10 avril au matin. Son jean un peu lacéré laisse apparaître des plaies… dessinées avec des feutres. «Je suis un sinistré, on m’a dit de venir ici, ma maison est inondée, j’ai perdu ma femme mais sauvé mon chat. »

Les équipes du centre communal d’action sociale l’accueillent comme les précédents «faux » sinistrés, dont environ 40 gens du voyage qu’il a fallu évacuer de l’aire d’accueil, inondée. Les responsables sont rassurés : le nombre de lits de camps installés au fond de la salle, dédiée en temps ordinaire à des activités récréatives, a été suffisant, comme celui des kits hygiène, sacs de couchage et couvertures de survie. «On s’en sort bien, hormis des problèmes de connexion ­internet », glisse une responsable.

Nous sommes au deuxième et dernier jour de l’exercice «Éole 2025 » d’entraînement à la gestion de crise météorologique (vents violents, fortes pluies avec un risque de submersion), organisé les 9 et 10 avril derniers dans les 28 communes de la communauté d’agglomération (CA) de La Rochelle et piloté par la préfecture de Charente-Maritime et la CA. À 6 km d’Aytré, c’est l’effervescence dans la salle d’animation de cet exercice, installée à la préfecture. Des «animateurs » enchaînent les appels. Chacun a sous les yeux son chronogramme. Autrement dit, le déroulé des évènements qu’il doit «injecter », heure par heure, auprès d’une ou plusieurs communes de l’agglomération : un Ehpad à évacuer, des infiltrations d’eau dans une école, un médecin bloqué pour sa tournée, l’aire d’accueil des gens du voyage entourée d’eau…

Faut-il évacuer ? Comment ? Les textes sont écrits comme dans un script, avec des indications scéniques : «personne angoissée », «touriste ne parlant pas bien le français »… Au total, 1 000 incidents auront été ainsi répercutés dans les 28 communes de l’agglomération.
 

Retour d’expérience

Un étage au-dessus, dans la «vraie » salle du centre opérationnel départemental, policiers, pompiers, gendarmes, agents de la préfecture et de la CA, chacun à leur poste, gèrent les remontées d’informations (appels des communes, actions engagées…). L’enjeu est de «tester la réactivité et la solidarité entre les communes, toutes dotées d’un plan communal de sauvegarde » (PCS) pour, ensuite, «identifier les points d’amélioration », explique la préfecture.

Retour à Aytré, il est 11h15, le 10 avril, et l’exercice est bientôt terminé. Le maire, Tony Loisel (lire ci-dessous) descend de son PC de crise pour rejoindre toutes les «cellules » (hébergement, ravitaillement, ressources, accueil, communication…) réunies dans la salle du conseil municipal, avec des bénévoles de la Croix-Rouge. C’est l’heure du «retex » (retour d’expérience) pour chaque commune. Hormis le gros bug affectant le serveur, les téléphones et messageries, le tour de table révèle davantage de «petites choses » à améliorer.

Le maire tient à préserver la cellule de crise «car c’est important de pouvoir prendre des décisions à froid et non dans le feu de l’action ». «L’évacuation de l’aire d’accueil des gens du voyage s’est bien passée, mais on doit faire la liste des personnes capables de conduire des minibus pour ce type de transports », explique un agent.

La signalétique pour guider les sinistrés de la mairie au centre d’hébergement a fait défaut. «Les sinistrés ont aussi besoin qu’on leur accorde davantage de temps d’écoute et qu’on les tienne informés », glisse un agent. «On doit mieux vérifier les informations avant de les diffuser, comme celle reçue et relative à une pollution de l’eau, sinon on risque de créer une crise dans la crise », évoque un autre. La panne informatique, qui a provoqué «des problèmes réels et en cascade », a permis de noter qu’il faudra désormais toujours prévoir «radios et piles », au cas où, et un système alternatif de saisie des données «pour ne perdre aucune information ».

 

Trois questions à…
Tony Loisel, maire d’Aytré
(9 760 habitants, 17)
« Se préparer est essentiel » 
• Votre commune a participé à deux jours d’exercice. Jugez-vous cela utile ?
Oui, c’est la force de l’habitude qui nous renforce. Une nouvelle équipe municipale arrivera en mars 2026, il faudrait donc prévoir un autre exercice avant l’hiver 2026, selon moi. J’avais participé à celui organisé en 2019, juste avant les élections, à titre bénévole car je me présentais à la mairie et je trouvais normal d’y assister. Nos agents ont l’expérience mais c’est le maire qui doit assurer et coordonner. Il faut doser l’effort, graduer le risque, trancher, garder son sang-froid. Ce n’est pas évident. Se préparer est essentiel.
• Quelles leçons en retirez-vous ?
L’exercice permet de gagner en efficacité, de gagner du temps. Aujourd’hui, nous avons des systèmes d’alerte très performants, nous sommes au courant d’une tempête, d’un coup de vent. Ce que je crains davantage, c’est un tremblement de terre suivi d’un tsunami. Une pollution, on s’enferme, la vague submersion on le sait trois jours avant. Le risque sismique, c’est un risque de danger immédiat avec des bâtiments qui s’effondrent, nos enfants dans les écoles. Or, ce risque est quasi imprévisible.
• Quels sont les autres risques sur votre commune ?
La pluviométrie via les canaux dans la campagne, mais aussi les risques sismiques, la pollution avec une grosse usine (Alstom) et des entreprises en zone de mer. Tout [mesures de prévention, organisation des secours…] est dans le plan communal de sauvegarde (PCS). Si c’est trop grave, la préfecture assure la gestion d’urgence et nous sommes surtout le bras exécutant. Comme cela a été récemment le cas avec l’incendie d’un immeuble. La préfecture a tenu le poste communal de commandement (PCC) et nous a demandé de mettre en place une cellule d’accueil pour les habitants des appartements sinistrés.  
Photo ©Aurélien Faidy

 

Les acteurs clés
• La préfecture et la communauté d’agglomération (CA). Comme à l’échelle communale où les opérations de secours sont conduites par le maire et le préfet, pour cet exercice «Éole 2025 » dimensionné à la taille inédite de l’agglomération de la Rochelle, la préfecture de Charente-Maritime et la CA étaient copilotes. Le but était de «mettre en œuvre différents plans et modalités règlementaires d’intervention en cas de crise » et de tester le dispositif national FR-Alert, explique la préfecture.
• Les communes. Certaines ont testé «en vrai » le déploiement de dispositifs de protection ou ont mobilisé les habitants (Aytré). Objectif : organiser un temps d’entraînement collectif et éduquer la population à la culture du risque. L’exercice visait aussi à «encourager et valoriser les solidarités intercommunales » (lire ci-dessous).  
• Associations et entreprises. Outre les services de l’État, de l’agence régionale de santé, de l’Éducation nationale et des communes, l’exercice a mobilisé des associations de sécurité civile, les opérateurs de réseaux (Enedis, Orange) et les gestionnaires d’infrastructures (ports, aéroport et l’Union des marais du 17).

 

L’agglo de La Rochelle prépare son PICS
L’exercice «Éole 2025 » s’inscrit pour la communauté d’agglomération de La Rochelle dans le cadre de l’élaboration de son plan intercommunal de sauvegarde (PICS) que tous les EPCI, dont au moins une commune membre est soumise à l’obligation de réaliser un plan communal de sauvegarde (PCS), doivent élaborer d’ici au 26 novembre 2026 (art. L731-4 du Code de la sécurité intérieure).
Le PICS organise, au minimum, la mobilisation et l’emploi des capacités intercommunales au profit des communes, la mutualisation des capacités communales, la continuité et le rétablissement des compétences ou équipements ou services d’intérêts communautaires (lire le guide pratique AMF-ministère de l’Intérieur).
La communauté d’agglomération a testé une plateforme collaborative de sauvegarde partagée entre les 28 communes, qui permet de centraliser leurs données. Le test n’a pas été totalement concluant à Aytré en raison de pannes de serveurs et de bugs. «Mais cela nous a finalement aidés à avancer et faire mieux. Donc c’est bien », estime le maire. 

 

 

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