Agrivoltaïsme. Son développement fait débat
En plein boom, l'agrivoltaïsme séduit les paysans, courtisés par les énergéticiens. Interpellés par les citoyens, des élus locaux s'inquiètent d'un développement mal maîtrisé.

Sous la forme de centrales au sol, de serres photovoltaïques, d’ombrières fixes ou dynamiques, l’agrivoltaïsme produit une énergie décarbonée. À ce titre, il pourrait contribuer significativement à l’objectif national de 100 gigawatts (GW) de puissance solaire installée d’ici à 2050. Voilà pour la transition écologique. Mais agrivoltaïsme rimerait aussi avec sécurité alimentaire. En fournissant une protection contre les excès de chaleur, la sécheresse ou le gel, le procédé peut conforter l’adaptation des exploitations agricoles au changement climatique.
Bras de fer
L’association professionnelle France Agrivoltaïsme garantit «une diminution de l’évapotranspiration de 40 % et une baisse des besoins en irrigation de 30 % ». Sans compter l’ombrage fourni aux troupeaux, synonyme de bien-être animal. Séduits, les pouvoirs publics poussent à la roue. En 2023, la loi pour l’accélération de la production des énergies renouvelables (APER) a donné un coup de pouce généreux à la filière. Le décret d’application, publié le 8 avril 2024, limite la superficie des panneaux solaires à 40 % de la surface agricole. Problème : les scientifiques fixent le plafond à 20 % sous peine de voir les rendements chuter. La production d’énergie solaire et l’activité agricole sont-elles compatibles dans les champs ? Confortés par la réglementation, les énergéticiens prospectent en tout cas assidûment.
À Challans (22 900 habitants, Vendée), la société VSB espère déposer, cet été, son permis de construire sur deux parcelles d’élevage bovin bio (26 hectares). De quoi couvrir la consommation annuelle d’électricité de 8 400 habitants. Mais le maire ne l’entend pas de cette oreille. «Je ne crois pas aux arguments techniques des électriciens qui leurrent les agriculteurs dans une logique de business à court terme, tonne Rémi Pascreau. La production végétale et fourragère ne peut que baisser. » Au nom de la souveraineté alimentaire, l’élu pointe la concurrence déloyale des panneaux. «Si le fermier gagne plus à rester couché, il laissera son terrain en friche. C’est la mort de l’élevage et de l’entretien de nos paysages ». Le conseil municipal a voté une motion contre l’agrivoltaïsme. «Il y a suffisamment de toitures, de parkings et de terrains déjà artificialisés où installer du photovoltaïque pour ne pas grignoter davantage les champs qui nourrissent la population. »
Tous les maires ne sont pourtant pas opposés à l’agrivoltaïsme. Dans le nord de la Côte-d’Or, le Pays Châtillonnais bruisse de projets non encore aboutis, notamment à Buncey où EDPR et Total Énergies ciblent deux sites (45 et 35 hectares) au milieu des céréales. Le maire, Christian Bornot, y est favorable. «On ne verra pas les panneaux depuis le village. Le sujet n’intéresse pas les habitants. Très peu sont venus à la réunion publique. » Chaque projet pourrait rapporter «10 000 € à 30 000 € » à la collectivité au titre de la redevance annuelle. «C’est une grosse somme pour une commune de 350 habitants. Sans oublier les aménagements routiers et paysagers que les énergéticiens s’engagent à prendre en charge. » Paysan retraité, Christian Bornot observe le métier changer. «L’agriculteur doit bien assurer son avenir avec un revenu régulier. Les cours baissent, les charges augmentent. L’agrivoltaïsme valorise les mauvaises terres. »
Mobilisation citoyenne
Dans d’autres départements, les maires affrontent la colère des habitants. C’est le cas du Gers, où le collectif «Gers danger agrivoltaïsme » – qui regroupe une vingtaine d’associations – a recensé 111 dossiers à l’étude sur 1 927 hectares de terres agricoles. «Nous ne sommes pas opposés aux énergies renouvelables. Mais nous demandons un moratoire sur les grands projets tant qu’aucune étude scientifique environnementale sérieuse n’aura été réalisée », gronde Nathalie Bovais, au nom des Amis de la terre du Gers. Le collectif avance des arguments en pagaille : les ondes électromagnétiques, les îlots de chaleur, le bruit, la perte de biodiversité… «Sans compter les dommages d’image pour l’économie touristique. » Il prépare un guide pratique à destination des élus locaux qu’il sent «dépassés, démunis ».
Et si le secret était de prendre les devants ? Dans le Maine-et-Loire, les élus de Mauges Communauté (6 communes nouvelles et 120 000 habitants) ont adopté à l’unanimité, en janvier 2025, une charte qui cadre les projets. «Nous visons l’objectif d’un territoire à énergie positive en 2050. Mais pas à n’importe quel prix. Nous ne voulons pas de “projets alibis” sur le dos d’une agriculture nourricière », explique Régis Lebrun, conseiller délégué chargé de l’agriculture et de l’alimentation à Mauges Communauté. Plusieurs conditions sont posées. Exclus des zones naturelles, les projets agrivoltaïques doivent être réservés à l’élevage, limités à 10 hectares par exploitant, à bonne distance des édifices patrimoniaux et des habitations (100 mètres). L’agriculteur doit percevoir 60 % minimum des revenus de la production d’électricité. Mieux, les acteurs locaux doivent être associés au capital à hauteur de 50 %.
« Nous souhaitons que les retombées économiques profitent au territoire, pas seulement à des investisseurs étrangers. » Un souhait également exprimé par les élus de la communauté de communes du Réolais, en Gironde (lire notre article).
La charte de Mauges Communauté n’a pas de valeur opposable. «Mais la position des maires compte dans l’avis de la commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). » À défaut, la charte invite au dialogue. «Les règles du jeu sont connues. Les développeurs ne peuvent plus se présenter avec un projet tout ficelé, sans discussion. »
À ce jour, l’Agence de la transition écologique (Ademe) évalue à 200 le nombre d’installations agrivoltaïques en exploitation en France. Mais plus d’un millier serait en cours d’instruction, soit un million d’hectares en négociation.

Christian Dupraz, directeur de recherche à l’INRAE, président de l’Union internationale d’agroforesterie
« Limitons les surfaces installées »
Raccourci : mairesdefrance.com/28575
Cet article a été publié dans l'édition :
- Municipales 2026. Trois Français sur quatre jugent positivement le bilan de leur maire
- À nos lecteurs. Pause estivale pour Maires de France - L'Hebdo
- Contractualisation : améliorer les dispositifs
- Le maire et les pollueurs
- Le dessin du mois de juillet-août 2025
- UMEE 27 : gérer les biens sans maître
- État civil : peut-on se passer du papier ?
- Agressions d'élus. La communication est essentielle
- Plan France ruralités. Un recyclage de dispositifs sans moyens supplémentaires
- Préserver l'économie sociale et solidaire
- Zones rurales : le Parlement européen s'invite au débat
- Gouvernance de l'Union européenne : ne pas oublier les élus
- Politique de cohésion : préserver sa raison d'être
- Temps de travail : la France pointée du doigt
- Loup : statut définitivement révisé
- AMF 63. Secrétaire général de mairie : à vos diplômes!
- AMF 10 : lutter contre les dépôts sauvages
- AMF 34 : maîtriser l'usage de l'intelligence artificielle
- AMF 33 : violences intrafamiliales
- Agrivoltaïsme. Son développement fait débat
- La Gironde remodèle son aide sociale à l'enfance
- Lutter contre les violences dans le sport
- Chamonix-Mont-Blanc anticipe le risque glaciaire
- Montélimar agglomération lutte contre les frelons asiatiques
- Tempête-submersion. La Rochelle organise un test XXL
- Gil Avérous, maire de Châteauroux, favorise l'implantation de pensions de famille
- Élections : comprendre la loi sur le scrutin de liste paritaire
- Développer le stationnement intelligent
- Le maire et le respect de la laïcité
- Comptabilité : compte financier unique
- Santé mentale : conseils locaux
- Bureaux, bâtiments : faciliter leur transformation
- Urbanisme : prolongation des délais
- Narcotrafic : mesures concernant les maires
- Vignes en friche : attention aux propriétaires négligents !
- Fortes chaleurs : de nouvelles obligations
- Le refus d'accueillir un cirque ou une fête foraine doit-il être motivé ?
- Reconversion professionnelle : un élu doit-il prendre des précautions ?
- Comment bénéficier du programme national pour l'entretien des ponts ?
- Ma santé d'abord. Ces maires qui agissent
- Site internet, réseaux sociaux : les règles à respecter
Maires de France est le magazine de référence des maires et élus locaux. Chaque mois, il vous permet de décrypter l'actualité, de partager vos solutions de gestion et vous accompagne dans l'exercice de votre mandat. Son site Internet, mairesdefrance.com, vous permet d’accéder à toute l'information dont vous avez besoin, où vous voulez, quand vous voulez et sur le support de votre choix (ordinateur, tablette, smartphone, ...).