Injures, diffamation, menaces entre candidats: quels recours et quelles sanctions ?
La campagne des municipales 2026 approche avec son lot prévisible d'agressions verbales, d'incivilités, de dénigrement entre candidats. Focus sur les infractions et les sanctions.

Comme en 2020, la campagne électorale pour les élections municipales de mars 2026 risque hélas de constituer, une fois de plus, un terreau propice à une démultiplication de faits infractionnels, quels que soient leur support et leur forme.
Maires de France rappelle les voies d’action offertes aux élus candidats victimes et les sanctions encourues.
I - Les infractions et les sanctions encourues
. Les infractions. Les excès d’expression politique peuvent recevoir différentes qualifications pénales ou civiles : les infractions de presse (diffamations ou injures, articles 29 à 33 de la loi du 29 juillet 1881), le délit d’outrage (article 433-5 du Code pénal ), l’atteinte à la présomption d’innocence (article 9-1 du Code civil ), l’atteinte à la vie privée (article 9 du Code civil – article 226-1 du Code pénal), le harcèlement moral (article 222-33-2-2 du Code pénal, voir le 4°bis sur la circonstance aggravante lorsque la victime est titulaire d’un mandat électif ), les menaces de mort ou d’atteinte à l’intégrité physique (article 433-3 al. 1 du Code pénal), ou encore les actes d’intimidation envers les personnes dépositaires de l’autorité publique (article 433-3 in fine du Code pénal).
Les infractions de presse comme la diffamation ou l’injure (lire ci-dessous) ont pour objet de sanctionner les atteintes à l’honneur et à la considération au titre d’accusations reposant sur des faits précis ou non précis ; le délit d’outrage protège les élus eu égard à la dignité ou au respect dû à leurs fonctions ; la présomption d’innocence est le principe selon lequel une personne impliquée dans une procédure pénale est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente ; le harcèlement moral sanctionne un acharnement sur une personne réalisé par des propos ou comportements répétés (deux événements suffisent) ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie.
Les menaces de commettre un crime ou un délit contre les biens ou les personnes permettent de prévenir un comportement avant un éventuel passage à l’acte. Enfin, même si cette qualification ne concerne que les élus candidats sortants et non les simples candidats à ses fonctions, l’infraction d’intimidation sur personne dépositaire de l’autorité publique incrimine le fait d’user de violence ou de toute forme de pression intimidante dans le but qu’un élu renonce à un acte de sa fonction ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction.
. Les sanctions. À l’exclusion des faits civils (atteinte à la présomption d’innocence ou atteinte civile à la vie privée), le maximum légal des peines principales prononçables diffère selon l’infraction commise. Par exemple : 7 500 euros d’amende pour un outrage envers une personne chargée d’une mission de service public ; un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende lorsque le harcèlement moral aura causé ou pas une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ; dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende pour les actes d’intimidation sur une personne investie d’un mandat électif public.
S’ajoute à cela, notamment, la peine complémentaire d’inéligibilité prévue à l’article 131-26 du Code pénal, applicable pour les délits d’outrage, de menaces et d’acte d’intimidation (article 433-22 du Code pénal). En cas de faits suffisamment graves comme ceux de l’article 433-3 in fine réprimant les actes d’intimidation sur les élus, cette peine peut être prononcée rapidement au terme d’une procédure de comparution immédiate.
À noter : la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux aggrave les sanctions en cas d’agressions d’élus. Elle étend leur protection jusqu’à six ans après le mandat. Elle prévoit aussi une peine complémentaire de travail d’intérêt général (TIG) pour les cas d’injures, d’outrages ou de diffamation publique, ainsi qu’une nouvelle circonstance aggravante en cas de harcèlement moral, notamment en ligne, contre les élus.
La loi prévoit une autre circonstance aggravante au délit de mise en danger de la vie d’autrui, lorsqu’un candidat ou ses proches (époux, enfants...) sont visés pendant une campagne électorale (nationale ou locale).
II - Les voies d’action
Plusieurs actions contentieuses, devant le juge pénal ou le juge civil, permettent l’interruption, la réparation et la sanction des excès de communication politique. La victime peut recourir à la citation directe de l’auteur des faits devant le juge pénal. Cette procédure de citation directe devant le tribunal correctionnel est bien adaptée en matière de diffamation publique, lorsque la victime dispose de l’adresse du domicile de l’auteur et qu’il n’y a pas de doute sur la paternité de ses propos.
Si tel n’est pas le cas, la victime doit déposer une plainte avec constitution de partie civile (saisine d’un juge d’instruction). Le magistrat instructeur sera chargé de mettre le dossier en l’état et, le cas échéant, de saisir le tribunal correctionnel par voie d’ordonnance.
À noter : les infractions de presse comme la diffamation et l’injure suivent un régime procédural dérogatoire. Le délai pour agir (délai de prescription) est de trois mois à compter de la publication ou mise en ligne (six ans pour les autres délits). La plainte au parquet ou au commissariat ne sert à rien car elle n’a pas d’efficience juridique. Seule une citation directe ou une plainte avec constitution de partie civile permettra d’ouvrir les poursuites et d’interrompre le délai de prescription. Une action judiciaire (civile) peut ensuite, ou de manière parallèle, viser l’hébergeur du site afin de voir sa responsabilité engagée pour avoir stocké en connaissance de cause des informations illicites (articles 6 et 16 du règlement (UE) 2022/2065 du 19 octobre 2022). La victime peut aussi intenter une action judiciaire contre cet hébergeur aux fins de suppression du contenu illicite par la procédure spécifique dite «procédure accélérée au fond » (article 481-1 du Code de procédure civile).
III - Le recours préalable auprès du directeur de la publication et de l’hébergeur
Le directeur de la publication d’un journal, d’un site internet ou d’une page d’un réseau social (article 93-2 et suivants de la loi du 29 juillet 1982), ainsi que l’hébergeur notamment, doivent exercer un certain contrôle sur le contenu des messages qu’ils diffusent ou hébergent. Lorsqu’ils sont identifiables, ils sont donc par nature les premiers à pouvoir répondre aux attentes d’une victime.
Une mise en demeure peut constituer un moyen précontentieux précieux, en tout état de cause indispensable, à l’encontre de certains sites, si l’internaute dénigré choisissait d’engager la responsabilité du directeur de publication (article 93-3 alinéa 5 de la loi du 29 juillet 1982, à propos des publications au sein d’espaces collaboratifs). De manière alternative ou préalable à des poursuites, la victime peut demander d’exercer son droit de réponse dans l’organe de presse imprimée ou en ligne, que la loi organise dans un formalisme strict (article 13 de la loi du 29 juillet 1881 ; article 1-1 III de la loi du 21 juin 2004 modifiée en 2024).
L’exercice d’un droit de réponse dans la presse imprimée ou électronique ne suppose pas forcément que celui qui entend l’exercer soit victime de propos diffamatoires, injurieux, blessants, attentatoires à la présomption d’innocence. Il n’y a qu’en matière audiovisuelle (art. 6 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, décret n° 87-246 du 6 avril 1987) que la recevabilité du droit de réponse est conditionnée par des propos préalables portant «atteinte à l’honneur ou à la réputation » de celui qui entend exercer ce droit de réponse.
L’activité d’hébergement est celle où le prestataire n’a pas joué «un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ». Les principaux réseaux sociaux sont considérés comme hébergeurs ; il en va de même des moteurs de recherche (Cass. 1re civ., 12 juill. 2012, n° 11-15.165).
Préalable à une action contentieuse, la notification de contenu illicite à un hébergeur pourra être envisagée au titre de l’article 16 du règlement UE du 19 octobre 2022.
Raccourci : mairesdefrance.com/28648
Cet article a été publié dans l'édition :
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